16 mars 2022
Pour la deuxième fois après 2020, les organisateurs du Festival d’Angoulême ont programmé, avec le soutien du BIEF et du Centre national du livre, une journée professionnelle internationale, la veille de l’ouverture du salon. Retour sur cet évènement qui a rassemblé une quarantaine de professionnels étrangers.
Dédiée aux échanges internationaux, la journée professionnelle au festival de la BD à Angoulême a permis la venue d'une quarantaine de professionnels étrangers, éditeurs, agents et producteurs audiovisuels. "Une bonne année de reprise avec presque autant de rendez-vous qu’avant la pandémie", selon Serge Ewenczyk, fondateur des Éditions Çà et là. Même constat pour Séverine Aupert, responsable des droits chez Delcourt, qui regrette tout de même la quasi-absence d’éditeurs asiatiques et américains cette année.
2021, une année extraordinaire pour la BD
Un bilan annuel des marchés BD dans le monde a été dressé lors d’une première table ronde réunissant Nicolas Roche (BIEF), Said Tamer (Groupe Kalimat aux Émirats arabes unis), Eric Reynold (Fantagraphics aux États-Unis) et Thomas-Louis Côté, directeur de Québec BD.
Du côté français, le marché de la BD continue son évolution extraordinaire depuis la pandémie. Deuxième genre le plus lu après la littérature, la bande dessinée est le secteur le plus dynamique en France avec 85 millions de titres vendus en 2021 (+ 60% par rapport à 2020) selon les statistiques GFK/Livres Hebdo. Le manga notamment a connu un succès sans précédent en 2021. "7 des 10 bestsellers dans la catégorie BD sont des mangas qui couvrent aujourd’hui l’ensemble des champs et des thèmes éditoriaux", précise Nicolas Roche. À l’export aussi, la bande dessinée française est un des secteurs les plus dynamiques avec beaucoup de cessions en Italie, Espagne et Allemagne et de plus en plus dans les pays Baltes.
2021 a également été une bonne année pour la BD aux États-Unis, y compris pour de petits éditeurs indépendants tel Fantagraphics. "Nous avons vendu beaucoup de rééditions et pour la première fois les ventes sur Amazon ont baissé, c’est encourageant", explique Eric Reynolds dont le bestseller My Favorite Things is Monsters a aussi été un gros succès en France. "Ce roman graphique c’est tout ce que la BD peut être ! C’est la meilleure vente aux US avec les Peanuts". Avec ce genre de titre, Fantagraphics est aujourd’hui distribué par W. W. Norton, spécialisé en fiction et non pas uniquement en BD, ce qui lui a permis d’atteindre un public plus large et de vendre plus de titres.
Nicolas Roche, Eric Reynold, Vincy Thomas (Livres Hebdo), Thomas-Louis Côté, Said Tame
Si la BD est sortie de sa niche depuis longtemps en Europe et aux États-Unis, elle en est encore à ses débuts aux Émirats, explique Said Tamer des éditions Kalimat. Peu lue dans le monde arabe, la bande dessinée est d’abord arrivée timidement dans les années 50 avec les magazines Disney puis a connu un regain dans les années 90 suite aux printemps arabes. Ce sont notamment les romans graphiques étrangers sur des sujets politiques qui trouvèrent des lecteurs en Syrie et en Égypte à l’époque "mais depuis, le genre n’a pas vraiment décollé". Depuis 2011 seuls quelques rares éditeurs émiriens et libanais traduisent de la BD française et japonaise mais Said Tamer se dit "prêt à investir dans le secteur". Présent à Angoulême pour la première fois, il s’est montré ouvert à l’achat de toutes sortes de BD pour son catalogue.
Deux marchés au Canada
Avant de dresser un bilan de la bande dessinée au Canada, Thomas-Louis Côté, directeur de Québec BD, a rappelé la particularité d’un marché divisé en deux identités, une francophone et une anglophone, entre lesquelles il n’y a pas beaucoup d’échanges. Du côté anglophone, quelques éditeurs de BD tels Conundrum Press ou Drawn & Quarterly sont connus à l’étranger. Si la production de bandes dessinées a fortement augmenté dans la partie anglophone en 2021, le marché reste plus confidentiel qu’au Québec qui est la deuxième plus grande province du Canada et dont 75% de la population est francophone.
En hausse constante depuis les vingt dernières années (+ 23%), le marché de la BD au Québec a également connu une année satisfaisante en 2021. Les mangas représentent 15% des ventes, plus de 60% sont des romans graphiques. Parmi les 30 meilleures ventes en 2021, 20 sont des productions locales comme la série phare Paul, "le chouchou des médias". Si on y trouve également des titres français tels Astérix, Leonard Cohen de Philippe Girard ou les Chroniques de jeunesse de Guy Delisle, les achats de droits sont rares.
"Les BD, une ressource extraordinaire d’histoires"
Grâce au Pôle Image Magelis, une quinzaine de producteurs français s'était jointe à la délégation de professionnels. Pour la première fois depuis la création du marché de droits à Angoulême, une série de pitches selon le modèle de Shoot the book ! à Cannes a été proposée cette année. 10 éditeurs ont ainsi présenté leurs ouvrages présélectionnés par un jury dans l’espoir de capter l’intérêt des producteurs, en 5,30 minutes seulement. Un exercice difficile mais très utile car, comme l’explique Guillaume Colboc, en charge des productions internes chez Gaumont, "les BD sont depuis quelques années au cœur de l’attention des producteurs et des diffuseurs car elles sont une ressource extraordinaire d’histoires déjà déployées et qui, pour certaines d’entre elles, ont déjà connu le succès."