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Compte rendu

Poursuite du dialogue franco-brésilien autour du livre et de ses enjeux à Rio

juin 2018

En dépit d’un contexte politique et économique incertain, plus de 60 éditeurs et libraires brésiliens étaient au rendez-vous des rencontres professionnelles proposées par la Maison de France au Brésil et le BIEF, en collaboration avec l’AILF.


Deux ans après un premier séminaire qui s’était tenu à São Paulo, ces nouvelles journées professionnelles ont témoigné de la poursuite du dialogue franco-brésilien sur les questions de politique du livre et autour des outils de régulation du marché, en premier lieu le prix unique du livre. Dans l’attente d’une hypothétique loi, le sujet fait plus que jamais débat au Brésil, à l’heure où les plateformes de vente en ligne, Amazon en tête, contribuent à modifier profondément le marché et le paysage éditorial. C’est dans une perspective élargie à l’Amérique latine et aux pays francophones que cette problématique a été abordée, à travers trois tables rondes. La première consacrée au prix unique du livre, avec trois expériences de marchés régulés, l’Argentine, la France, la Belgique, et un pays, le Brésil, en attente presque désespérée d’une telle régulation. La deuxième table ronde a porté sur "L’incidence de la vente en ligne dans la relation éditeur-libraire".

 

La relation libraire-éditeur à l'heure d’Amazon

 

Comme une suite à la table ronde précédente, des professionnels latino-américains et français ont débattu en présence de Ricardo Garrido, responsable de l’acquisition de contenus pour Amazon Brasil. La présence d’Amazon dans ce genre de débat n’est pas courante, il faut donc la saluer.

 

Une dernière table ronde, "Le dialogue entre éditeur et libraire, fiction ou réalité ?", a ouvert la discussion entre Marcos Pereira, président du Syndicat des éditeurs, Rui Campos, directeur des dix très importantes librairies Travessa, et Yannick Dehée, directeur de Nouveau Monde éditions. Elle a permis de comprendre comment deux modèles différents induisent des dialogues différents : un modèle français, où l’abondance de la production déclenche le besoin, entre autres par la sur-diffusion, d’un rapprochement éditeur-libraire ; et un modèle brésilien, basé sur la consignation, ce qui modifie l’implication des uns et des autres sur les assortiments, et reposant beaucoup sur la vigilance des libraires.

 

La librairie francophone, entre héritage et mutations

 

Les deux journées suivantes ont été consacrées à un séminaire réunissant les libraires francophones d’Amérique latine sur le thème "La librairie francophone, entre héritage et mutations". Depuis une première rencontre à Buenos Aires en 2011, le réseau des librairies francophones d’Amérique latine a montré sa constance, manifestant ainsi qu’il reste actif et dynamique dans un contexte concurrentiel fort. Ce séminaire avait donc comme objectif un partage d’expériences autour des actions mises en place par les libraires et témoignant de leur créativité.

 

Les idées et projets présentés par les libraires sont nombreux et très diversifiés. Que ce soit le concept très étudié d’aménagements, évoqué par la Livraria da Travessa, lieux ouverts où s’harmonisent les corps et les idées : cercles de lecture, animations, restaurants, et un merchandising très pensé, ou par Le Comptoir (Santiago), avec sa formule "Box", qui propose sous la forme d’un abonnement à l’année une sélection de huit livres de poche adaptée aux profils des clients. Citons encore la participation de la Libreria Francesa (San Jose) à l’opération "Tour à vélo de la Francophonie", organisée en collaboration avec la municipalité, l’Institut français, l’Alliance française et des ONG et qui mêle sport, livres et lecture, musique et gastronomie.

 

L’usage des nouvelles technologies pour rester dans le coup

 

On se doute que tous ces libraires ont intégré l’usage des réseaux sociaux et de la communication via Internet. C’est précisément le point sur lequel les libraires de Las mil y una Hojas (Buenos Aires) ont amené le débat : les mutations apportées par ces usages, notamment du côté des lecteurs consommateurs, et donc la nécessité de s’y adapter et de former de nouvelles équipes. Une séquence originale et très intéressante a été présentée par Maryline Noël (Le Comptoir, Santiago) qui utilise différentes plateformes en ligne, proposées par les éditeurs pour permettre aux libraires de découvrir des nouveautés à paraître et de mieux faire leur choix même s’ils sont à des centaines ou des milliers de kilomètres. Le rapprochement personnel du libraire avec l’éditeur (le vrai, au-delà du commercial), les échanges avec des confrères, l’accès aux SP numériques via les plateformes Eden et NetGalley, la participation aux sélections de Pages des libraires, ou à des jurys littéraires : autant de démarches facilitées par les nouvelles technologies, et qui aident le libraire à rester dans le coup.

 

Comme à Buenos Aires en 2011, deux séquences ont été consacrées aux contenus, plus précisément à la jeunesse, avec une intervention de Tibo Bérard des Éditions Sarbacane, et aux sciences humaines, avec Yannick Dehée, directeur de Nouveau Monde éditions.

Signalons qu’une suite devrait être donnée à ces rencontres, notamment par la constitution d’un catalogue des coups de cœur des libraires d’Amérique latine.


Philippe Goffe et Pierre Myszkowski

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