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La progression des traductions vers le polonais, par Frédéric Constant (Institut français de Pologne)

juillet 2015

Avec la venue de représentants de 16 maisons d’édition et agences littéraires françaises, la 6e Foire du Livre de Varsovie, dont la France était l’invitée d’honneur, a permis d’intensifier les liens entre professionnels français et polonais.

Une occasion de faire le point sur les cessions de droits.


Avec la venue de représentants de 16 maisons d’édition et agences littéraires françaises, la 6e Foire du Livre de Varsovie, dont la France était l’invitée d’honneur et à laquelle ont pris part 860 exposants, a permis d’intensifier les liens entre professionnels français et polonais. Une occasion de faire le point sur les cessions de droits.

 

Le nombre annuel de publications de livres français en traduction polonaise est estimé à 600, dont environ 400 livres sous droits. En nombre de titres, les livres traduits du français viennent en troisième place, derrière le livre anglo-saxon (rapport de 1 à 9), peu après le livre allemand (rapport de 1 à 1,3), loin devant les livres italiens, espagnols et russes.

Sur les cinq dernières années 2010-2014, on note une belle progression de ces cessions à partir du français (+47 %), notamment dans les domaines du livre pour la jeunesse, du livre pratique et, semble-t-il aussi, de la bande dessinée.

 

En dehors des best-sellers qui trouvent assez facilement acquéreurs (comme les ouvrages de Katherine Pancol, d’Eric-Emmanuel Schmitt et de Maxime Chattam), la fiction semble être à la peine. Mais quelques éditeurs jeunes et dynamiques ont montré, tout récemment, un fort intérêt pour le roman français contemporain, envisageant même de créer des collections ad hoc pour renouer avec une tradition encore vivante dans les années 1970.

 

Au centre de leur intérêt, notamment, des romans qui, dans une Pologne en pleine mutation, toute gagnée au capitalisme sauvage et marquée par un fort individualisme, pourraient témoigner de la difficulté des parcours individuels dans le monde contemporain et des possibles solidarités. Le roman français, parfois jugé trop intimiste et psychologique, a, pour cette même raison, une carte à jouer ici.

 

La non-fiction, au sens large du terme, est toujours très prisée par les éditeurs polonais (particulièrement la philosophie et l’histoire), même si l’arrêt des programmes de soutien du ministère polonais de l’Enseignement supérieur ralentit le rythme des traductions et rend incertaine la survie des maisons indépendantes.

 

Certaines disciplines ont bénéficié de la politique de priorité mise en place par l’ambassade de France pour son programme d’aide à la publication : ainsi de la géopolitique, avec des livres sur le Moyen-Orient, la Chine, la cyberstratégie russe…

 

Dans la plupart des jeunes maisons d’édition, on note une forte tendance à la spécialisation : tel éditeur choisit de se concentrer sur le mouvement oulipien, tel autre sur les littératures francophones, tels autres encore, liés à des think tanks (Fronda, Teologia Polityczna, Krytyka Polityczna, Ksiazka i Prasa), privilégient des penseurs de droite ou de gauche.

Dans certains domaines, les éditeurs polonais disent regretter le manque de propositions françaises de qualité : il en est ainsi du reportage littéraire, qui continue d’être un genre très prisé en Pologne. Depuis Jean Hatzfeld, qui en a d’ailleurs été le premier lauréat en 2010 (avec La stratégie des antilopes), aucun auteur français n’a été nominé au prestigieux prix Ryszard Kapuścińki.

 

Les trois rencontres thématiques du BIEF organisées à Varsovie en 2013 et 2014 (sciences humaines et sociales, vie pratique, jeunesse/BD) semblent avoir réorienté l’intérêt des éditeurs polonais vers des auteurs non traduits à ce jour, voire des domaines encore inexplorés (comme par exemple le livre Rénover le mobilier industriel de Frédérick Plun publié par Eyrolles, récemment sorti en polonais).

 

Les programmes d’aide à la publication (Institut français, programme Boy-Zelenski de l’ambassade de France, Centre national du livre) soutiennent environ 40 titres par an, soit 10% des cessions de droits. Ce sont en tout 650 titres qui en ont bénéficié depuis le début des années 1990.


Frédéric Constant, Responsable des médiathèques et de la politique du livre à l'Institut français de Pologne