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Portrait et entretien de professionnel

Questions à Marija Gaudry (Rue de Sèvres) de retour des rencontres BD de New York

juillet 2015

"L’initiative de ce genre de rencontre est très importante, car elle permet aux vendeurs de droits de voir les éditeurs qui ne se déplacent pas en Europe, de mieux comprendre leurs catalogues, de partager des visions sur l’actualité du marché et de créer des liens de confiance qui permettent de susciter un réel intérêt pour les titres français".


BIEF : Quelles sont les principales évolutions relevées au cours de cette journée, concernant le marché américain ?

 

Marija Gaudry : Nous pouvons observer que le CA réalisé par les bandes dessinées au format album (hardcover, trade paperback, graphic novel) dépasse aujourd’hui aux États-Unis celui des BD périodiques (415 millions contre 365 millions de dollars). Cela peut traduire une évolution du lectorat : vieillissement des lecteurs de comics, ouverture vers d’autres formats et styles de BD.

 

Néanmoins, si les périodiques de superhéros semblent en perte de vitesse, la licence quant à elle explose à travers d’autres médias : cinéma, dessins animés, séries télé, merchandising, etc. Six des quinze plus gros blockbusters américains sont issus des comics.

Si les plus grosses maisons d’édition publient essentiellement du contenu américain (Marvel/Disney, DC et Image), il existe actuellement aux USA une multitude de petites maisons qui ouvrent leur catalogue à des ouvrages issus de l’étranger (Japon, Europe). La BD américaine, longtemps perçue comme un média pour les jeunes et les geeks, s’ouvre désormais à un public plus large.

 

BIEF : Quelle différence en ce qui concerne la BD numérique ?

 

M. G. : Avec une part de marché de 10%, la croissance de la BD numérique aux États-Unis est forte. ComiXology a doublé ses téléchargements entre 2012 et 2013. C’est un format qui est en devenir.

Les BD périodiques, par exemple, présentent un format idéal pour le digital : court et bon marché. En France, les ventes ne décollent pas et restent très marginales malgré une offre qui s’étoffe peu à peu. Les droits d’auteur ne permettent pas une baisse de prix conséquente par rapport au format papier, rendant ainsi les BD numériques chères sur le marché de l’offre numérique (apps, séries télé…).

 

BIEF : Quelles tendances dans les échanges ?

 

M. G. : De plus en plus, on constate une réelle ouverture du marché américain à de nouveaux contenus et de nouveaux formats.

Néanmoins, ce ne sont pas les classiques (Tintin, Astérix) qui sont recherchés, mais des romans graphiques d’un genre précis : politiques, témoignages, ancrés dans une histoire actuelle, à l’instar d’un Persepolis. Une tendance porteuse pour les cessions de droits, car ce genre connaît un fort développement en France. Sfar, Blain, Blutch, De Crécy, Satrapi, Riad Sattouf, Delisle, Davodeau ou Bastien Vivès, et leur grande médiatisation en France, leur donne un bon potentiel pour s’exporter aux États-Unis ; certains sont même déjà traduits.

 

Cependant, cette ouverture du marché reste limitée, car l’achat de droits par les éditeurs américains est souvent soumis à des décisions commerciales plus qu’éditoriales.

 

L’initiative de ce genre de rencontre est très importante, car elle permet aux vendeurs de droits de voir les éditeurs qui ne se déplacent pas en Europe, de mieux comprendre leurs catalogues, de partager des visions sur l’actualité du marché et de créer des liens de confiance qui permettent de susciter un réel intérêt pour les titres français.

 


Propos recueillis par Jean-Guy Boin