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Compte rendu

Rencontre franco-américaine sur la BD à New York : le feedback des éditeurs américains

juillet 2015

[26 mai 2015]

Une soixantaine de professionnels américains a participé à cette rencontre organisée par le BIEF à New York le 26 mai 2015, en partenariat avec les services culturels de l’ambassade de France et Ivanka Hahnenberger, consultante pour le BIEF.

Compte rendu et commentaires d'éditeurs américains...


Le BIEF, en partenariat avec les services culturels de l’ambassade de France à New York, a organisé le 26 mai 2015, veille de l'ouverture de BookExpo America, une rencontre professionnelle sur la BD franco-belge.

 

Ce sont plus de 60 participants d’horizons différents qui ont assisté à cette rencontre, dont l’objectif était de permettre une meilleure connaissance par les acteurs du marché nord-américain de la BD franco-belge, du marché français de la BD, du marché du numérique, ainsi que de mettre en évidence la variété et la diversité de cette production. Ces différentes approches étaient destinées à favoriser les échanges commerciaux entre les deux pays, via des débats et des rendez-vous en B to B.

 

Actuellement, la BD représente une production dynamique en Amérique du Nord. Selon le Hollywood Reporter, ce secteur est à son niveau le plus haut depuis 20 ans, avec une hausse de 7% sur l’année écoulée, le marché ayant atteint 935 millions de dollars en 2014.


Pas étonnant donc que cet événement opportun ait été suivi par des représentants de la plupart des grandes maisons d’édition américaines, et pas seulement celles connues pour publier de la BD, ou pour en avoir publié à la marge, mais aussi certaines qui n’en avaient encore jamais publié ou n’y avaient même jamais pensé.

 

Parmi les participants se trouvaient aussi des agents littéraires et artistiques, des distributeurs, des responsables de librairies, des bibliothécaires et plusieurs journalistes. Citons quelques-unes des sociétés représentées, parmi beaucoup d’autres : Abrams, Boom, Book Culture, ComiXology, Consortium, Dynamite, HarperCollins, Henry Holt (plusieurs imprints), IDW, Kickstarter, Kinokuniya, Lerner, Macmillan (plusieurs imprints), NBM, Penguin, Perseus, Publisher’s Weekly, Random House (plusieurs imprints), Scholastic, Simon and Schuster (plusieurs imprints), Toon, W.W. Norton, Workman Publishing, Yen...

 

Les participants ont jugé très positivement les tables rondes. Le sentiment général est qu’il était intéressant d’avoir une présentation des deux marchés, à l’aide de données statistiques et descriptives, permettant d’établir des éléments de comparaison. Beaucoup ont été très intrigués par le nombre important en France des points de vente et des lecteurs de bandes dessinées. D’après eux, comme pour les journalistes présents, les différents points de vue se complétaient bien.

L’impression qui l’a emporté est qu’il y a indéniablement une place pour la BD franco-belge sur le marché nord-américain. Beaucoup de participants se sont montrés prêts à acheter les droits de traduction d’ouvrages appartenant à ce domaine, et presque tous sont preneurs d’informations supplémentaires pour pénétrer encore plus ce marché.
Les autres aspects positifs ont été l’importance de la participation, qui signifiait un excellent contexte pour créer des réseaux, la présentation de la production qui illustrait bien la diversité disponible et les discussions qui ont pu se tenir sur les opportunités de coopération existant des deux côtés et dans les deux sens.

 

À la suite des tables rondes, le BIEF a poursuivi le dialogue, en faisant parvenir aux participants américains un questionnaire. Les réponses ont afflué (presque autant que les participants à la journée), une preuve supplémentaire de l’intérêt suscité par ces échanges, nous en rapportons ci-dessous l’essentiel.

 

La réunion du 26 mai à New York correspondait  à une démarche volontariste de l’édition française de BD. Les retombées en termes de connaissance de la production, de création de réseaux, d’envie d’accroître les traductions apparaissent nettement dans chacune des réponses, sans écarter tous les obstacles qui peuvent se présenter.

 

 

Verbatim :

 

BIEF : Quelles sont les choses les plus importantes que vous avez retirées de cette rencontre ?

  • "Qu’il y a énormément de BD françaises, des nouveautés comme des classiques, qu’il serait indispensable de publier en anglais."
  • "La connaissance et les contacts. Le séminaire m’a aidée à mieux appréhender comment la BD et le roman graphique ont pénétré la culture française et m’a aidée à constituer des réseaux avec des gens étonnants."
  • "Ce qui m’a le plus fasciné, c’est l’importance des BD (et des livres en général) dans la culture française… et leur popularité - très grande. Mais aussi d’autres sujets comme la présentation en supermarché des BD, leur bonne santé dans les bibliothèques américaines et autres marchés institutionnels ou encore l’agrandissement des sections consacrées à ces domaines dans les librairies - tout cela était instructif."
  • "La bonne santé et l’omniprésence du marché du graphic novel en France, comparé aux États-Unis. C’est un défi que d’importer ici des projets français, vu la petite taille du marché, mais pas impossible."
  • "La différence entre les marchés français et américains, et comment la BD est répandue dans les librairies par rapport aux USA."
  • "Les panels d’intervenants et la possibilité d’une rencontre en face à face avec des éditeurs européens ont révélé beaucoup d’éléments."

 

BIEF : A-t-elle changé vos idées sur la BD et le roman graphique ?

  • "Cela n’a pas changé mes idées sur ce support, mais cela m’a plu d’avoir un déroulé de l’histoire de la BD européenne, j’aurais même aimé en apprendre davantage, notamment sur les années 70-90."
  • "Oui. J’ai abordé l’événement comme une fan que je suis, en étant néanmoins toujours sceptique sur l’intérêt de ces genres pour les autres. Ce séminaire m’a aidée à réaliser le potentiel que cela représente auprès du grand public."
  • "Obtenir plus d’informations est toujours utile pour se faire une meilleure représentation du marché et ainsi savoir mieux le travailler."
  • "La présentation de ComiXology était impressionnante, ils font du bon travail, mais je suis restée un peu sceptique sur le fait que les fans pourraient renoncer à aller dans les librairies. Il y a un vrai lien entre le magasin et le lecteur de BD qui n’existe pas dans d’autres domaines."
  • "Pas tant changé que mise en valeur."
  • "Oui, cela m’a fait réaliser le peu de potentiel que nous avions pour ce marché aux USA, comparé à la France et au Japon."

 

BIEF : Si jusque-là vous n’aviez pas ou peu publié d’ouvrages dans ces domaines, la tenue de ce séminaire a-t-elle été une incitation à le faire ?

  • "Je dirais que cette opération nous incite à en acquérir plus."
  • "Oui cela donnait envie."
  • "Je l’espère, je pense que les lecteurs américains sont fascinés par l’incroyable énergie créatrice qui vient de France. En feuilletant tous ces catalogues, je pouvais à peine croire le nombre important d’illustrateurs talentueux qui existent."
  • "Oui, mais le principal obstacle reste de trouver des lecteurs du français, en plus de trouver un éditeur que n’arrête pas le fait que l’auteur ne puisse pas nécessairement communiquer en anglais, ou même venir nous rendre visite."

 

BIEF : Pensez-vous acquérir les droits de traduction de graphic novels français dans le futur ?

  • "Oui mais, comme d’autres lecteurs anglophones, je ressens le besoin de comprendre qui sont les acteurs actuels sur ce marché et comment l’histoire de ce genre s’est construite avant d’investir ce domaine véritablement, pleinement. Il faudrait peut-être un livre sur l’histoire de la BD européenne."
  • "Absolument, nous cherchons à vendre des licences sur la majorité de nos titres et les titres français sur lesquels nous nous sommes renseignés sont en bonne place pour cela."

 

BIEF : Comment voyez-vous la complémentarité entre le numérique et le papier pour le marché de la BD aux États-Unis ?

  • "Nous avons besoin des droits numériques, qui ne sont pas toujours détenus par les éditeurs français. Nous publions les ouvrages sur toutes les plateformes numériques disponibles en même temps."
  • "Je pense que chacun des deux supports peut aider à vendre l’autre. Ils doivent pouvoir continuer à fonctionner ensemble."
  • "Les bandes dessinées sur papier ou en format numérique ont jusque-là continué à prospérer côte à côte aux USA, mais il y a aussi place pour une croissance interdépendante."
  • "Grande question ! Ça va requérir un effort considérable pour les faire travailler ensemble. À la différence de la prose, le format papier et le format numérique ici ne sont pas toujours compatibles sur les différents supports électroniques."
  • "Le papier continuera, car les éditeurs sont désireux de publier des livres qui frappent l’imagination - ils doivent être beaux, bien maquettés, pas de simples reproductions ; et cela n’est pas forcément très coûteux."
  • "C’est un potentiel pour acquérir une nouvelle audience ; je suis curieux de statistiques sur le nombre de consommateurs transversaux entre le digital et le papier traditionnel."
  • "Ce sera un processus d’apprentissage."

 

BIEF : Pensez-vous que les ventes de droits étrangers entre la France et les États-Unis peuvent se développer rapidement ?

  • "Oui, si cela est mené de façon appropriée (accompagnée d’une meilleure connaissance sur l’histoire et les acteurs importants). Je crois alors que la BD européenne, dont française, peut vraiment exploser ici."
  • "Il existe certainement un potentiel. Il est certain que le refus des grands groupes américains de BD (Marvel, DC…) peut ralentir ce mouvement. Je pense cependant que les éditeurs plus petits ont les moyens de développer l’attrait pour ces BD."
  • "Tout type de traduction est un combat aux États-Unis, encore plus pour un nouveau marché comme le graphic novel. Mais il se présente toujours des opportunités – nous devons être prêts à en tirer avantage lorsqu’elles se présentent."
  • "Oui si le projet est bien adapté au marché."
  • "Comme éditeur, cela me serait très utile de connaître et de pouvoir rencontrer des maisons alternatives de BD françaises, qui sont présentes à Angoulême, mais que nous ne voyons presque jamais de ce côté-ci de l’Atlantique. Un des plus grands obstacles est la connaissance limitée des langues chez les éditeurs américains, et il leur faudrait des recueils d’extraits traduits pour les aider à franchir le pas (je parle pour ce que je connais, à savoir les grands groupes américains)."

Ivanka Hahnenberger, consultante pour le BIEF

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