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Compte rendu

Rencontres franco-suédoises du livre de vie pratique à Stockholm : un marché attractif pour les éditeurs français

avril 2015

[5-6 mars 2015]

Construites sur deux jours, ces rencontres professionnelles comportaient une demi-journée de tables rondes, une demi-journée de rendez-vous individuels et une demi-journée de visites de librairies.


Jusqu’en 2008, le marché du livre en Suède était en expansion avec une augmentation du nombre de titres publiés par an, le développement des canaux de distribution, un chiffre d’affaires des éditeurs en progression. Puis la tendance s’est inversée, marquant le secteur de l’édition d’importantes restructurations, notamment dans le domaine de la distribution.

Les traductions ont été les premières victimes sur un marché où elles étaient encore majoritaires par rapport aux productions locales dans les années 80.

Les éditeurs suédois se montrent par conséquent souvent réservés pour participer à des rencontres d’éditeurs destinées, en partie, à leur vendre des titres.

 

Le français est la 4e langue traduite en Suède, après l’anglais, le norvégien et le japonais. Mais, en valeur absolue, les achats de droits sont modestes : 104 titres traduits du français en 2013, toutes thématiques confondues (selon les statistiques SNE/BIEF).

Dans le domaine du livre pratique, on enregistrait seulement 9 cessions, et si quelques éditeurs français (Larousse, Marabout et Hachette Pratique notamment) sont régulièrement en contact avec les éditeurs suédois, dans l’ensemble les liens sont distants dans ce domaine éditorial. C’est la raison pour laquelle le groupe Vie pratique avait souhaité ces rencontres professionnelles 2015 à Stockholm.

 

Construites sur deux jours, elles comportaient une demi-journée de tables rondes, une demi-journée de rendez-vous individuels et une demi-journée de visites de librairies. Spécificité suédoise : pour une même maison d’édition, les participants aux tables rondes n’ont pas toujours été les mêmes que ceux des rendez-vous individuels de l’après-midi, venus à la rencontre des éditions Fleurus, Gallimard Loisirs, Solar, Larousse, Alain Ducasse, Eyrolles, de Saxe.

 

Lors de la présentation des marchés du livre de vie pratique en France et en Suède, qui ouvrait la matinée de discussion, on a pu constater une similitude entre les catégories éditoriales comprises dans ce secteur. Ainsi en Suède, selon Bokrondellen, une base de donnée spécialisée dans le livre et l’édition, "Nourriture et Boissons" représente 56% de la production en 2014, "Santé, Beauté et Remise en forme" (28%), "Jardin" (6,5%), "Couture et Tricot" (5%) et "Artisanat et Loisirs" (4,5%). La production est fortement guidée, dans les deux pays, par l’aspiration des lecteurs au bien-être et à une vie meilleure, qui peut se caractériser par l'intérêt porté aux actions plus responsables (tendance championne en France qui se concrétise par un retour en force des essais sur l’écologie).

 

Si, en France, la grande nouveauté de l’année 2014 est le dépassement (en nombre de titres vendus) de la Cuisine (27,4%)  par le segment Santé - vie de famille (37,4 %), ces deux sous-thématiques sont clairement les locomotives du segment vie pratique dans les deux pays. Du côté suédois, fidèle à leur réputation de sportifs, les lecteurs sont encore et toujours très intéressés par les ouvrages de sport et de santé physique. Ces sujets, notamment la pratique du pilates ou du yoga, ont également été très porteurs en France il y a quelques années, mais la tendance s’est récemment orientée vers des gymnastiques plus cérébrales (quizz, sports cérébraux, jeux de société).

 

En ce qui concerne l’aspect des livres, les Suédois se sont dits très sensibles à l’élégance et à la qualité des matériaux et des procédés employés (papier, impression). Un des éditeurs présents prend même un éditeur allemand de mass market comme contre-exemple pour illustrer son propos. Une exigence que l’on retrouve mais dans une moindre mesure en France, alors que l’on observe un essoufflement des livres de marques cultes et des petits formats cartonnés à petits prix.

 

La discussion sur la distribution en Suède a clairement mis en avant les déséquilibres d’un petit marché, très concentré : au niveau des prix - il n’y a pas de prix unique du livre en Suède - mais aussi de la représentativité des titres, mise à mal tant le nombre d’acteurs est restreint. Avec une chaîne de librairies comme Akademibokhandeln, omniprésente sur l’ensemble du pays avec 125 boutiques et dont les achats sont centralisés, Adlibris (librairie en ligne) qui appartient à Bonnier, et Bokus (autre librairie en ligne) qui appartient à Norstedts, les éditeurs ont du mal à faire valoir l’ensemble de leur production et à la faire perdurer dans les rayons, mêmes virtuels. En "meilleure ennemie", la vente directe par Internet permet de pallier légèrement cet abus et de révéler quelques bestsellers, mais le cycle du livre en aura de toute façon été altéré. En Suède, les petits supermarchés vendent la presse et (éventuellement) des livres. C’est un canal important pour les éditeurs, mais qui les assujettit encore un peu plus à des centrales d’achat et un certain public.

 

Comme en France, on observe une diversification des points de vente (magasins spécialisés, concept stores, etc.), mais le travail de distribution dans ce nouveau contexte est minutieux, car très personnalisé et coûteux en temps. Soumis à la rapidité des changements de tendances, le marché l’est également au taux de rotation en librairie qui est très élevé. Un peu comme aux États-Unis, le temps de vie d’un livre est de plus en plus court, avec cette idée des éditeurs suédois qu’un livre devrait réaliser 80% de son chiffre d’affaires en trois mois…

 

Avec un clair-obscur qui persiste quand il s’agit de parler d’achat de droits, ces rencontres professionnelles sur le livre pratique auront permis aux Français comme aux Suédois de se familiariser les uns avec les autres et de s’apercevoir que les attentes des marchés respectifs sont proches. Il est possible qu’elles aient créé un précédent pour des relations commerciales plus interactives, les éditeurs suédois étant relativement peu présents dans les foires internationales du livre, si ce n’est à Francfort, Bologne ou Londres, où ils sont donc très sollicités. Car, malgré la petite taille du marché, la Suède est attractive pour les professionnels français : non seulement parce que les éditeurs suédois publient parfois en plusieurs langues (nordiques), mais également parce que le prix de vente moyen des publications en grande surface comme en librairie est supérieur en Suède à celui pratiqué en France.

 

Ces rencontres ont permis également de renforcer le travail mené conjointement par le BIEF et l’Institut français de Suède de mobilisation autour des échanges éditoriaux franco-suédois.

Outre ces journées professionnelles, le BIEF aura un stand au prochain salon de Göteborg (du 24 au 27 septembre 2015).


Laurence Risson

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