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Michel Chandeigne : le Brésil à l’horizon du quotidien

mars 2015

Michel Chandeigne décline le Brésil sous toutes ses formes et dans tous ses formats dans sa librairie - la seule en France spécialisée dans les mondes lusophones - et sa maison d'édition, qui compte à son catalogue une soixantaine de titres brésiliens. Projecteur sur une passion érudite.


Une mission bien remplie

Michel Chandeigne, dont la Librairie portugaise et brésilienne, fondée en 1986, a déménagé depuis trois ans sur la place très parisienne de l’Estrapade, aime son métier de libraire et aime la façon dont il le fait. Il est, comme on dit, "aux manettes", du début à la fin de la chaîne.

La librairie de Michel Chandeigne, qui fut professeur au lycée français de Lisbonne, est la seule spécialisée dans les ouvrages et les mondes lusophones (Portugal, Brésil et pays d’Afrique de langue portugaise) dans toute la France, et leur seul diffuseur depuis 30 ans, notamment à destination des bibliothèques universitaires.

 

Ce qui l’intéresse dans sa librairie, c’est l’ensemble et les sous-ensembles qu’elle constitue, ce qu’elle donne à voir aux simples passants, aux visiteurs occasionnels et aux fidèles clients : entre autres, donc, une somme sur tout ce qui se publie en rapport avec le Brésil, des ouvrages répartis entre rayonnages, présentoirs et vitrines, suggérant une richesse et une diversité, reflet de ce gigantesque continent. Un univers à explorer de livres en mouvement, coloré et chatoyant, entre récits de voyage, fiction, sciences humaines, beaux livres et livres pour la jeunesse, aux titres évocateurs, poétiques, oniriques… en version originale, bilingue ou traduite.

 

Faire connaître les cultures brésiliennes est une mission bien accomplie de longue date par Michel Chandeigne, à qui la montée en puissance du Brésil a donné un coup de pouce. La nouvelle réalité économique du pays, mais aussi sa place grandissante à l’international, avec notamment la tenue de La Coupe du monde de football en 2014 et bientôt celle des Jeux Olympiques d'été 2016 à Rio. "Beaucoup de Français sont attirés par le Brésil, pour aller y travailler. Nous avons multiplié par quatre les ventes des livres d’enseignement du portugais du Brésil et l’existence de couples mixtes joue sur la dynamique de lectures croisées franco- brésiliennes."

 

La littérature brésilienne a le vent en poupe

Six ans après l’ouverture de la librairie, quand Michel Chandeigne fonde, avec Anne Lima, une maison d’édition, rue Tournefort, consacrée aux mêmes domaines, là encore il est à la recherche de l’harmonie formée par un catalogue. Fondateur dans un premier temps d’un atelier de typographie d’auteurs contemporains, il conservera toujours cette exigence de concordance entre le fonds et la forme, comme une deuxième spécificité de la maison, qu’Anne Lima dirige depuis 25 ans. Tour à tour lecteur, traducteur, éditeur, commentateur d’une œuvre – comme pour l’ édition qu’il a établie et annotée du Voyage de Magellan (1519-1522), devenue une référence mondiale –, il est le fil qui relie les imposantes collections Bibliothèque lusitane, le Tamanoir, Magellane, Péninsule, Grands formats, A6… où connaissance et imaginaire ne cessent de s’entrecroiser.

 

Les éditions Chandeigne comptent 60 titres brésiliens au catalogue, en histoire et sciences humaines, littérature et jeunesse. "En France, il y a eu une certaine régularité dans la publication d’écrivains brésiliens traduits, mais leur présence s’est accrue depuis 12 ans, grâce à la politique active menée par les institutions brésiliennes pour l’aide à la traduction de leurs auteurs, ainsi que par le CNL. Un événement comme cette deuxième invitation au Salon du livre de Paris joue aussi un rôle de focalisation : pas moins de 380 œuvres littéraires traduites seront disponibles à ce moment-là, c’est énorme", constate Michel Chandeigne.

 

Cette constellation d’écrivains jeunes et dynamiques, à l’échelle d’un continent, donne des œuvres très diverses, mais il lui semble que les lecteurs français aiment que leurs livres aient pour toile de fond le "local", une région ou une autre du Brésil ou alors leur permettent d’effectuer "une plongée dans la société brésilienne contemporaine", comme le font avec brio certains auteurs de polars.

 

Ruffato, dont Michel Chandeigne apprécie tout particulièrement l’humour tonique de son À Lisbonne j’ai pensé à toi ; Ronaldo Correia de Brito, auteur d’un recueil de nouvelles, Le jour où Otacílio Mendes vit le soleil, qui rappelle Juan Rulfo ; Fernando Morais, auteur d’une biographie sur Olga Benário, issue de la bourgeoisie allemande, militante communiste, livrée par le gouvernement brésilien à la Gestapo, Olga, allemande, juive, révolutionnaire ; Ana Maria Machado, dont les éditions Chandeigne ont traduit Bisa Béa Bisa Bel, le grand succès au Brésil de la littérature pour enfants. Ils participeront à des débats et seront présents sur le stand Chandeigne, situé sur l’espace Île-de- France, qui devrait connaître une certaine effervescence.

 

Patience et passion

Même si perce toujours un peu chez Michel Chandeigne la nostalgie d’une autre époque du livre, le libraire-éditeur s’est adapté aux nouveaux outils. Depuis 2005, la librairie a développé son site internet de vente en ligne, qui lui permet chaque jour de toucher un plus vaste public dans le monde entier. Tous les livres présents en librairie se trouvent sur le site, qui déploie aussi des volets culturels et pratiques, pour en faire un centre de ressources unique en son genre.

 

À la manière du spécialiste des minéraux et fossiles qu’il était, c’est avec patience et passion qu’il pratique ces métiers : il aime le temps de la découverte et celui plus long de la divulgation. Il conserve des livres épuisés, ne fait jamais de retour d’ouvrages, il en maîtrise ainsi le flux et connaît sa librairie dans les moindres recoins. Alors que disparaissent successivement certaines de ses consœurs, consacrées à une aire linguistique et aux univers littéraires qui s’y rapportent, c’est probablement l’une des raisons qui vaut à ce navire amiral de la lusophonie de tenir comme un roc.

 


Catherine Fel

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