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Portrait et entretien de professionnel

Entretien avec Joseph Bouakl, directeur de Dar al Farabi

décembre 2014

La maison libanaise Dar el Farabi a reçu le prix de la meilleure maison d'édition arabe lors de la dernière Foire du livre de Sharja. Rencontre avec son Président.

BIEF : Quels sont les axes éditoriaux de votre maison d’édition qui publie 200 nouveautés par an ?


Joseph Bouakl : Dans le domaine de la fiction, Dar al Farabi publie des romans, des nouvelles et de la poésie. Si les classiques font partie de son catalogue, l’accent est résolument mis sur la littérature contemporaine, avec un effort soutenu sur les traductions, particulièrement pour les auteurs arabes écrivant dans une autre langue.
Le secteur des essais, la non-fiction, recouvre essentiellement les sciences humaines et sociales, en privilégiant les textes informant sur les réalités du monde arabe et des pays du Sud. Là aussi, une attention particulière est portée aux auteurs arabes s’exprimant dans une autre langue. Notre ligne éditoriale engagée et ouverte aux courants de pensée modernes se distingue clairement des maisons privilégiant un catalogue religieux.
Nous n’hésitons pas à publier des ouvrages d’actualité, notamment dans le domaine politique, tant des études que des prises de position engagées. Nous explorons actuellement deux secteurs de développement : les manuels universitaires, d’une part, et les ouvrages jeunesse, d’autre part.


BIEF : Quelles relations avez-vous avec les éditeurs français ?
 

J. B. : Nos contacts avec les éditeurs français remontent aux années 70, où nous avions des relations privilégiées avec Les éditions sociales. À partir des années 90, nous avons diversifié nos coopérations avec des éditeurs étrangers, essentiellement en adhérant à une structure professionnelle de coopération internationale dans le domaine de l’édition : l’Alliance des éditeurs indépendants. Dans ce cadre, nous avons développé les relations tant avec les autres éditeurs arabophones de l’Alliance, qu’avec ses membres francophones et anglophones.

À partir des années 2000, nous avons pu ainsi développer nos traductions d’ouvrages français vers la langue arabe, parfois de façon autonome, parfois en coédition avec des partenaires du Golfe (Fondation Maktoum, par exemple) ou du Maghreb (comme l’ANEP en Algérie). Ces quinze dernières années, plus d’une centaine de contrats de cession de droits ont été signés avec une trentaine de maisons d’édition françaises (Grasset, La Découverte, CNRS Éditions, les Éditions de l’EHESS, Albin Michel, Odile Jacob, les Éditions de l’Atelier, etc.). Cet effort considérable de traduction résulte d’un important travail de sélection des projets au regard des attentes du public arabe et de la ligne éditoriale de Dar al Farabi.

 

BIEF : Comment voyez-vous la place à venir de l’édition libanaise dans le monde arabe ?


J. B. : Nous avons la conviction que le Liban demeurera pour quelques décennies encore une des places privilégiées, sinon la première, de l’édition en langue arabe. Si elle l’était depuis les années 50, on a vu effectivement se développer, à partir des années 70, de nouvelles structures éditoriales dans d’autres pays arabes. Celles-ci ont pris des parts de marché à l’édition libanaise, mais l’expérience démontre que cela reste dans des proportions limitées. On peut avancer plusieurs raisons pour expliquer cette résistance : une tradition séculaire de diffusion culturelle dans la région, depuis le XVIIe siècle, réactivée aux XIXe et XXe siècles dans le cadre de la "renaissance arabe", de la "Nahda" ; un climat de liberté, sur les plans religieux, culturel, idéologique, qui fait du Liban une terre de refuge ; une infrastructure de pointe en matière d’impression ; des ressources humaines qualifiées et plurilingues, indispensables au développement de l’édition.


Pour toutes ces raisons, l’éditeur libanais saura, pour longtemps encore, sauvegarder la réputation de Beyrouth comme capitale du livre arabe.


Propos recueillis par Jean-Guy Boin

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