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Pour un regard différent sur la production éditoriale argentine, par Carlos Díaz (Siglo XXI)

mars 2014

Nous sommes habitués à lire des œuvres d’auteurs français qui parlent du système éducatif, des médias ou des banlieues dans leur pays et, en même temps, nous acceptons avec résignation que les éditeurs français ne s’intéressent pas à nous de la même façon. Le point de vue de Carlos Díaz, directeur éditorial chez Siglo XXI.

La plupart des éditeurs français ne connaissent pas spécifiquement le panorama éditorial argentin et, probablement, beaucoup d’entre eux doivent penser que tout le panorama latino-américain est identique, ce qui est une erreur car chaque pays a ses particularités. La chose la plus remarquable de l’édition argentine est la qualité de sa production dans le domaine des sciences humaines, de la fiction, de la vulgarisation scientifique ou de la littérature de jeunesse. Cela devrait attirer les éditeurs et lecteurs français, puisque leur pays est un des plus grands producteurs dans ces domaines et que les intellectuels, scientifiques et grands écrivains de leur pays ont eu beaucoup d’influence à travers le monde, et surtout en Argentine. Je me souviens encore volontiers de la surprise de François Gèze, lorsqu’il est revenu en Argentine (pays qu’il connaissait très bien), après presque trois décennies, pour nous rendre visite pendant la Feria del Libro de Buenos Aires. Il était fasciné par la vitalité et la qualité de la production éditoriale argentine, qu’il imaginait en décadence.

 

En général, il y a un consensus sur la qualité des auteurs argentins de fiction. Mais ce n’est pas le cas pour la non-fiction, dont les éditeurs argentins ont du mal à faire connaître la production latino-américaine ailleurs, malgré sa grande qualité et les points en commun avec la production française, par exemple en ce qui concerne la psychanalyse, la philosophie, l’histoire des idées, la sociologie ou l’éducation. En Argentine, notre culture a, historiquement, importé des idées (on pourrait parler, par exemple, de la "génération des années 1837" où l’élite lettrée nationale s’est nourrie des intellectuels français). Nous sommes habitués à lire des œuvres d’auteurs français qui parlent du système éducatif, des médias ou des banlieues dans leur pays et, en même temps, nous acceptons avec résignation que les éditeurs français ne s’intéressent pas à nous de la même façon.

 

Je vais donner quelques exemples à partir de mon catalogue : nous avons publié Diccionario Foucault, réalisé par un des plus grands spécialistes hispanophones de cet auteur. Ce dictionnaire est un succès par ses ventes aussi bien qu’un succès critique en Amérique latine et en Espagne ; au Brésil aussi il a été publié avec des résultats semblables. Pourtant, je ne me fais pas d’illusions sur le fait qu’un éditeur français puisse penser qu’un auteur argentin ait réalisé la meilleure œuvre de référence actuelle sur un des intellectuels français du XXe siècle les plus importants. Je pourrais citer d’autres exemples, comme Historia del Siglo XX, un merveilleux travail de synthèse, écrit par une historienne argentine, qui a aussi rencontré le succès. Ou encore toute notre collection de vulgari- sation scientifique "Ciencia que ladra…", dont la publication a donné lieu à beaucoup d’éloges et dont il s’est vendu déjà plus de deux millions d’exemplaires en espagnol.

 

Or, même si nous sommes conscients du fait que le pourcentage de traductions en France est plus important que dans d’autres pays du Nord (comme les États-Unis, par exemple), nous pourrions dire aussi que la culture française est plus "exportatrice qu’importatrice". C’est pour cela que si nous arrivions à dévier, ne serait-ce que d’un petit peu, ce regard eurocentré (que, même en Argentine, nous avons encore) et si nous arrivions aussi à rendre plus visible le meilleur de la production de nos auteurs spécialisés, nous ferions un grand pas en avant.

 

Il me semble donc que ces rencontres franco-argentines de mars, organisées par le BIEF, vont être extrêmement riches, et ce pour deux raisons. D’abord, pour les éditeurs qui ne connaissent pas en détail le panorama éditorial d’un autre pays, elles leur permettent de se rendre compte de la richesse d’un autre marché et aussi du grand nombre de collaborations possibles. Ensuite, pour les éditeurs qui se connaissent déjà ou ceux qui sont en lien avec d’autres marchés, elles sont une opportunité pour renforcer les liens de collaboration et d’amitié déjà existants et découvrir de nouvelles maisons d’édition et des projets éditoriaux, qui, du côté de l’Argentine, se sont beaucoup développés au long des dix dernières années.

 

 


Carlos Díaz, directeur éditorial Siglo XXI Editores), traduction Paz Langlais

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