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Compte rendu

4e Rencontres des éditeurs et des libraires francophones à Casablanca

décembre 2013

[8-9 décembre 2013]

Après Beyrouth en 2009, Tunis en 2010 et Abidjan l’année dernière, Casablanca a accueilli la 4e édition des Rencontres d’éditeurs et libraires francophones. Organisées par le BIEF avec le soutien de l’Organisation internationale de la francophonie et en partenariat avec l’AILF (Association internationale des libraires francophones) et l’AIEI (Association internationale des éditeurs indépendants), ces deux journées professionnelles ont réuni plus de 50 participants.

Une francophonie à l’honneur, à travers le livre et ses acteurs

Après Beyrouth en 2009, Tunis en 2010 et Abidjan l’année dernière, Casablanca a accueilli la 4e édition des Rencontres d’éditeurs et libraires francophones. Organisées par le BIEF avec le soutien de l’Organisation internationale de la francophonie et en partenariat avec l’AILF (Association internationale des libraires francophones) et l’AIEI (Association internationale des éditeurs indépendants), ces deux journées professionnelles ont réuni plus de 50 participants, dont une bonne moitié de professionnels marocains, présents aux côtés d’une délégation d’éditeurs et de libraires venus des quatre coins de la Francophonie, de Madagascar au Québec en passant par l’Afrique subsaharienne, le Proche-Orient et bien entendu "l’Europe francophone".

 

Une nouvelle fois, le programme de ces journées a donné lieu à de nombreux témoignages illustrant la vitalité et le dynamisme de la création francophone. Laurent Laffont pour les éditions Jean-Claude Lattès à Paris, Yasmin Issaka pour les éditions Graines de pensées à Lomé, Sylvie Labas de la librairie Folies d’encre à Saint-Denis ou encore Marius Ngartara de la librairie La Source à Ndjamena, chacun a pu dire au cours d’une première table ronde la richesse que constituait cette production francophone. Ce qui n’en fait pas pour autant un marché, comme a pu le souligner dans son intervention Pierre Astier, en comparant avec les marchés anglophone ou même hispanophone.

 

Une francophonie à deux vitesses ?

Avec quelque 220 millions de locuteurs, le français est certes l’une des cinq langues internationales, présentes sur tous les continents et qui, de ce point de vue, serait encore promise à un bel avenir. L’Afrique francophone à elle seule offre de réelles perspectives du fait de sa démographie et le Maroc lui-même se situe dès aujourd’hui au quatrième rang des pays francophones avec plus de 10 millions de francophones sur une population totale de 32 millions d’habitants. Mais éditeurs et libraires "hors de France" sont encore réduits à constater le déséquilibre entre une production française, très largement conçue pour le marché français, et celle des autres pays francophones, peu présente à l’international, y compris dans l’espace francophone.

 

Hormis les pays francophones du nord, dans les autres pays les obstacles qui freinent encore le développement d’un circuit du livre en langue française sont nombreux, et les participants ne se sont pas privés de les rappeler : faiblesse du pouvoir d’achat, enjeux liés à la scolarisation, contexte politique, non-respect des accords de Florence et Nairobi, autant de facteurs pour lesquels les professionnels du livre se savent démunis… sauf à interpeller les pouvoirs publics. L’OIF, pour sa part, poursuit le travail auprès des responsables politiques et institutionnels pour un renforcement des politiques du livre par les états membres de la francophonie.

 

Il existe un autre champ où les professionnels du livre peuvent jouer un rôle : la structuration de la chaîne du livre, particulièrement bouleversée par l’arrivée des acteurs du commerce en ligne et de l’édition numérique. Pour le Québec, Yves Guillet de la librairie Le Fureteur a montré comment les libraires s’étaient collectivement organisés pour prendre place sur le marché de la vente en ligne. Au Maroc, la librairie en ligne livremoi s’est positionnée sur le marché des collectivités, au grand dam de certains distributeurs marocains. L’ouverture par Caroline Dalimier, créatrice du site, d’une librairie physique démontre toutefois la nécessité d’articuler le commerce en ligne avec un vrai travail de libraire… et ceci dans le respect de la chaîne du livre, comme a tenu à le rappeler Yacine Retnani de la librairie le Carrefour des livres. 

 

Michel Choueiri, de la librairie El Bourj à Beyrouth, a montré l’impact du commerce en ligne sur des acteurs historiques comme la librairie Antoine, qui les a conduits à nouer des partenariats avec des opérateurs tel Amazon. Mais, pour Caroline Dalimier, "cette  mutation est passionnante car elle oblige chaque acteur de la chaîne du livre à s’interroger sur son rôle et sa valeur ajoutée là où certains imaginent un monde sans éditeur, ni distributeur, ni libraire". À leur tour, Karim Ben Smaïl, des éditions Cérès à Tunis et Pascal Assathiany des éditions Boréal à Montréal ont témoigné de la rapidité des évolutions en cours avec le numérique mais aussi de l’opportunité qu’offre cette mutation de rééquilibrer les échanges entre les acteurs du livre francophones. Jean-Guy Boin, Directeur général du BIEF, a présenté les initiatives et réflexions en cours en France pour accompagner le développement du livre numérique.

 

De nouvelles formes de coopération au sein de l’espace francophone

Cette question des échanges éditoriaux et plus largement des nouvelles formes de coopération au sein de l’espace francophone est d’ailleurs au cœur du travail mené aussi bien par l’Alliance internationale des éditeurs indépendants (à travers notamment les coéditions solidaires) que par l’AILF. Sylviane Friederich, sa présidente, a ainsi rappelé le rôle joué par La Caravane du livre, qui fêtera en 2014 ses 10 ans, et qui est devenue au fil du temps "une manifestation  culturelle incontournable, donnant lieu à de multiples opérations initiées par les libraires en Afrique pour promouvoir le livre et la littérature, en allant au-devant du public africain". C’est aussi un outil au service des éditeurs pour accompagner la diffusion de leur catalogue, un enjeu également prioritaire parmi les axes de travail d’Afrilivres, comme a pu en témoigner sa présidente, Marie-Michèle Razafintsalama, en rappelant les résultats engrangés ces dernières années (sur la question du transport interafricain ou la remise à jour du site internet). 

 

Aux côtés des associations, le Cnl comme l’Institut français proposent également des outils au service des professionnels pour les accompagner dans leurs projets, qu’il s’agisse par exemple de diversifier un assortiment en librairie ou de pouvoir racheter les droits d’un auteur francophone publié par un éditeur français. Des dispositifs d’aide qui existent mais ne sont pas toujours suffisamment connus des professionnels. C’est l’un des intérêts de ces rencontres de pouvoir aussi contribuer à une meilleure circulation de l’information entre éditeurs et libraires, du Nord et du Sud.


Le prochain Sommet de la francophonie se déroulera en novembre 2014 à Dakar. En amont, et tout au long de l’année, des groupes associant éditeurs, libraires et représentants des différents organismes se réuniront dans le prolongement des rencontres de Casablanca, afin de dégager les axes de travail. C'est là-dessus que l’OIF souhaite s’appuyer ainsi que sur ses différents partenaires (dont le BIEF), pour construire sa future programmation 2015-2018 "en vue d'une meilleure structuration de la chaîne du livre dans les pays francophones du Sud et plus de coopération entre les professionnels du secteur".


Pierre Myszkowski

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