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Compte rendu

19e Foire internationale du livre de Pékin : l’effervescence

septembre 2012

[29 août - 2 septembre 2012]
Cette manifestation est apparue "extrêmement riche et animée" à Pierre-Jean Furet, présent pour la première fois à cette Foire. Elle lui a permis de rencontrer de nombreux homologues chinois, pour qui "encore plus qu’avec les éditeurs occidentaux, la relation interpersonnelle est importante", a précisé le responsable des droits étrangers d’Hachette Pratique.

Bien que la Foire internationale du livre de Pékin soit située à environ une trentaine de kilomètres du centre de Pékin (non loin de l’aéroport international) et mal desservie par les transports en commun, elle attire chaque année de plus en plus de professionnels. Pour la 19e édition, près de 2 300 exposants (dont 2 010 maisons d’édition de Chine continentale), représentant 75 pays, ont été accueillis sur une superficie de 53 600 m².
Le pays Invité d’honneur était la Corée.
 
Le stand du BIEF a connu une fréquentation exceptionnelle par les professionnels chinois et taiwanais. 75 maisons d’édition françaises y étaient représentées avec près de 2 000 ouvrages. Plus d’une vingtaine d’éditeurs français ont fait le déplacement.
 
D’une manière générale, il s’est signé pendant la foire 11% de contrats de plus que l’an passé (environ 3 300). Les cessions d’ouvrages en langue française sont en progression : 910 contrats - dont 831 pour la Chine Mainland (source : statistiques BIEF/SNE).
 
De nombreux rendez-vous se sont ajoutés à ceux programmés par les éditeurs, tel pour la responsable de droits Hannele Legras (Rue du monde, Memo, Courtes et Longues) : "J'avais une vingtaine de rendez-vous en amont, plus des rendez-vous spontanés. La plupart des éditeurs chinois mais aussi quelques Taiwanais".
 
Chacun semble avoir constaté des évolutions dans les demandes des éditeurs chinois. Lesquelles ? Pour le savoir, nous avons interrogé des responsables de droits de livres pratiques illustrés et de jeunesse et une agente spécialisée dans la jeunesse également, ces deux domaines étant les plus représentés cette année par les professionnels français présents.
 
 
Pierre-Jean Furet, responsable des droits chez Hachette Pratique
 
"Même si Hachette Pratique a noué depuis quelque temps des relations avec des éditeurs chinois, c’était la première fois que nous participions au salon officiel de Pékin. Cette manifestation a été extrêmement riche et animée, permettant de nombreuses rencontres avec des homologues chinois, principaux acteurs du marché du livre pratique illustré.
La plupart des maisons d’édition chinoises qui sont titulaires des droits d’éditer (ISBN) appartiennent à l’État. Les niveaux de hiérarchie et la chaîne de décision sont donc plus compliqués. Il se passe toujours un long temps avant qu’un projet aboutisse. Encore plus qu’avec les éditeurs occidentaux, la relation interpersonnelle est importante. Les éditeurs chinois sont curieux de savoir à qui ils ont affaire, à quelle maison ils vont acheter et par qui elle est représentée. Globalement, ils se montrent très curieux de la production de leurs homologues français, même si tout n’est pas transposable sur leur marché. C’est le cas des livres de cuisine, difficiles à adapter dans un pays qui a déjà une longue tradition et une culture gastronomique très ancrée et très différente.
 
"De façon générale, le livre en Chine n’est pas un cadeau. On va l’acheter pour soi, pas pour l’offrir. Pour soi on attend donc beaucoup d’information (forte pagination), un fort contenu opérationnel ou pédagogique pour apprendre quelque chose. Dans cet esprit, les éditeurs chinois sont très friands d’ouvrages pratiques complets et rassurants sur la puériculture et l’éducation des enfants. La politique de l’enfant unique et le désir de le voir évoluer socialement met une grosse pression sur les épaules des parents qui veulent à tout prix réussir l’éducation de leur enfant. Les éditeurs chinois sont aussi curieux de titres d’art de vivre qui évoquent le style de vie à la française (la mode, le luxe, le savoir-vivre…). Mais les ouvrages les plus recherchés portent sur certains produits : le vin, les cigares… qui sont en Chine des marqueurs de réussite sociale. Le secteur du vin se développe considérablement en Chine avec l’émergence d’une classe moyenne supérieure qui veut s’initier et qui recherche de l’information dans ce domaine. Avec un catalogue "vins" bien développé, Hachette Pratique est donc en ligne avec la demande.
La demande de cession des droits numériques est souvent formulée. Si elle n’est pas automatiquement satisfaite ou si elle est refusée, ça ne fait pas obstacle à la conclusion favorable de la négociation."
 
 
Juan Wu, agent littéraire pour la jeunesse
 
L’histoire reprend le dessus
"Le stand du BIEF a connu un grand succès à la Foire de Pékin en 2012, comme lors des années précédentes. La moitié de la surface du BIEF était consacrée aux livres de jeunesse, qui suscitent toujours autant l’intérêt et l’admiration des éditeurs chinois. On constate que ces éditeurs ont mûri dans leur choix. Malgré la chasse aux séries, "plus de 6 titres, c’est mieux !", ils sont beaucoup plus nombreux à rechercher de belles histoires dans les albums. La plupart des éditeurs s’intéressent maintenant aux histoires elles‐mêmes, bien avant de s’intéresser à leurs chiffres de vente et aux récompenses éventuellement remportées.
 
Ils s’ouvrent à des albums modernes
"Les goûts évoluent également. La Chine, après avoir traduit une grande quantité de grands classiques des albums du monde entier ces dernières années, est plus ouverte aux albums modernes. Mais les éditeurs sont toujours un peu hésitants devant les images sombres ou les dessins trop sobres en noir et blanc. Ils ont moins d’appétit pour la traduction de romans de jeunesse car, contrairement aux albums, les auteurs chinois de romans ont un grand succès auprès des jeunes lecteurs de leur pays. Il y a beaucoup plus de différences culturelles dans la vie quotidienne des grands enfants que dans celle des tout-petits. Pour les romans, les éditeurs regardent davantage les best‐sellers en France et les œuvres d’auteurs confirmés.
 
"Les documentaires et les livres jeux sont toujours recherchés cette année, comme l’année dernière. Mais les documentaires illustrés par des photos n’ont pas autant de succès que ceux qui le sont avec des dessins. Cette année, ils sont plus nombreux à s’intéresser aux livres animés (pop‐up) et à des livres sur l’art pour enfants. Certains se sont renseignés sur les droits numériques des albums. Parmi les titres les plus sollicités, figurent la collection "Archimède" de l’École des loisirs, un concept qui combine album et documentaire ; Faut pas confondre d'Hervé Tullet (Seuil Jeunesse), un livre sur les contraires; Les bras de papa et Le ventre de maman (La Martinière), deux albums sur l’amour paternel et la naissance ; la série Petit dernier de Sarbacane ; les albums de Christian Voltz (Rouergue) et la collection "Jeux" (portraits, villes, jardins etc.) d’Actes Sud Junior.

"L'édition jeunesse est le secteur du livre le plus rentable en Chine. Mais le manque de librairie indépendante et de vrai libraire professionnel, la mauvaise gestion du réseau de librairies d’état Xinhua et la réduction importante des achats en ligne, ont fait que la vente des livres de jeunesse se fait surtout dans les librairies en ligne. La plus puissante parmi eux est Dang Dang dont le chiffre d’affaires dépasse de loin
celui de tous les autres sites réunis (Amazon, Jingdong, etc). Les éditeurs commencent à se plaindre de son monopole qui a beaucoup d’influence sur le choix des lecteurs".
  
 
Hannele Legras, responsable des droits étrangers pour Rue du Monde, MeMo, Courtes & Longues…
"Il y avait une sorte d'évidence à être présent pour répondre à la demande des Chinois. Ce sont des éditeurs qui savent ce qu'ils veulent (plutôt des séries, des albums pédagogiques, de l'art et des sciences pour les enfants), mais restent ouverts. Il existe aussi des demandes récurrentes pour les tout-petits. Ils semblent vouloir développer leurs catalogues qui manquent de propositions pour les préscolaires. Les offres en roman sont plus difficiles.
Le marché reste limité par des prix de vente bas, mais on sent qu'une frange de la population est très aisée, et que le livre peut être un lien important pour ces parents-là, à l'attention de leur enfant unique.
J'ai été marquée aussi par la présence des i-phone dans Pékin, si l'on pouvait vendre autant de livres ! Il y en a partout... La question des applications peut donc se poser de façon tout à fait légitime".
 
 
Séminaire Union européenne-Chine
Dans ce domaine de l’édition numérique s’est tenu le 30 août un séminaire bilatéral, organisé par Eunic (European Union national Institutes for Culture) à l’initiative de l’Institut français de Pékin en coopération avec la Foire et dont le BIEF était l’un des partenaires. Plus de 60 professionnels ont participé aux débats sur les enjeux en matière de droits d’auteur et sur les nouveaux modèles économiques.

Christine Karavias

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