Pour les croyants musulmans, le Coran, Parole de Dieu, est nécessairement imprescriptible. Cette approche a été longtemps admise comme une évidence indiscutée. Mais elle pose désormais un insidieux dilemme à de nombreux croyants qui, ayant une vision sécularisée du monde, se réclament de valeurs humanistes universelles. Car ils sont de facto amenés à récuser certains versets coraniques, inconciliables avec ces valeurs.
Ils vivent ainsi une transgression à laquelle ils ne peuvent échapper, tout en ne se pardonnant pas de la commettre. D'où un conflit intérieur qu'ils s'efforcent d'oublier, ou d'ignorer, en évitant tout débat à ce sujet. Ils laissent par là le monopole de la parole musulmane aux courants les plus traditionalistes ou rétrogrades.
Or, nous dit Mahmoud Hussein, le dilemme de ces croyants peut être dépassé. Il n'est pas imputable au Coran, mais au dogme de son imprescriptibilité. Ce dogme repose sur le postulat selon lequel la Parole de Dieu serait consubstantielle à Dieu. Étant de même nature que Lui, elle se situerait par essence hors du temps.
Mais ce postulat n'est rien moins qu'une évidence. Il a été débattu, et théologiquement réfuté, par certains des plus grands docteurs de l'Islam des premiers temps. Il n'a fini par s'imposer que plusieurs siècles après la mort du Prophète.
Le présent ouvrage rappelle le contexte historique dans lequel s'est déroulée cette confrontation, avant de nous montrer que, de nos jours, ce postulat fait l'objet d'une réfutation nouvelle, dotée d'une cohérence et d'une force d'évidence quelle ne pouvait avoir il y a mille ans.