La délimitation des frontières maritimes constitue un enjeu crucial pour un grand nombre
d'États. Pourtant, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982
reste largement ambiguë, si ce n'est entièrement silencieuse, sur les méthodes précises
à appliquer pour résoudre un différend frontalier maritime. Dans ce contexte, et face à
une pratique étatique incohérente et dépourvue d'opinio juris, c'est principalement dans
leur propre vision que les cours et tribunaux arbitraux internationaux ont progressivement puisé la règle de l'équidistance/circonstances pertinentes, en vertu de laquelle, en
l'absence de raisons impérieuses, toute délimitation maritime décidée, quels que soient
l'espace maritime et la configuration côtière considérés, débute par la construction d'une
ligne d'équidistance provisoire. Cette ligne pourra éventuellement être ajustée par la
suite pour tenir compte des circonstances particulières de chaque affaire, dans l'objectif
de garantir un résultat équitable. En dépit de la consécration claire et unanime de la règle
de l'équidistance/circonstances pertinentes dans l'affaire de la Délimitation maritime en
mer Noire en 2009, les décisions postérieures soulèvent un certain nombre de doutes
quant à son caractère contraignant. Indépendamment de ces considérations de nature
théorique, de nombreuses zones d'ombre et difficultés pratiques persistent dans la mise
en oeuvre de la règle de l'équidistance/circonstances pertinentes, notamment en ce qui
concerne le risque d'une part trop importante de subjectivité - voire d'arbitraire - dans
le choix de méthodes alternatives de délimitation, la fixation des points de base, le degré
d'ajustement d'une ligne d'équidistance provisoire et le rôle joué par la proportionnalité.
De même, alors que la « matérialisation » d'une frontière maritime décidée sur le « terrain »
nécessite une collaboration étroite entre d'une part le juriste et, d'autre part, le cartographe, l'hydrographe et le géographe, un nombre trop important de décisions présente
encore des carences de nature pratique. Loin donc d'être abouti, le droit de la délimitation
maritime appelle à des consolidations et précisions futures importantes.