Depuis qu'elle existe, l'humanité a su cultiver l'art de
raconter des histoires, un art partout au coeur du lien
social. Mais depuis les années 1990, aux États-Unis
puis en Europe, il a été investi par les logiques de
la communication et du capitalisme triomphant,
sous l'appellation anodine de «storytelling» : celui-ci
est devenu une arme aux mains des «gourous»
du marketing, du management et de la communication
politique, pour mieux formater les esprits des
consommateurs et des citoyens. Derrière les campagnes
publicitaires, mais aussi dans l'ombre des
campagnes électorales victorieuses, de Bush à
Sarkozy, se cachent les techniciens sophistiqués
du storytelling management ou du digital storytelling.
C'est cet incroyable hold-up sur l'imagination
des humains que révèle Christian Salmon dans
ce livre, au terme d'une longue enquête consacrée
aux applications toujours plus nombreuses du storytelling
: le marketing s'appuie plus sur l'histoire des
marques que sur leur image, les managers doivent
raconter des histoires pour motiver les salariés, les
militaires en Irak s'entraînent sur des jeux vidéo
conçus à Hollywood et les spin doctors construisent
la vie politique comme un récit...
Christian Salmon dévoile ici les rouages d'une
«machine à raconter» qui remplace le raisonnement
rationnel, bien plus efficace que toutes les
imageries orwelliennes de la société totalitaire. Ce
«nouvel ordre narratif» va au-delà de la création
d'une novlangue médiatique engluant la pensée : le
sujet qu'il veut formater est un individu envoûté,
immergé dans un univers fictif qui filtre les perceptions,
stimule les affects, encadre les comportements
et les idées...