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Compte rendu

Rencontres vie pratique à Madrid : "le marché latino-américain est comme un ballon d’oxygène"

septembre 2017

Le marché du livre pratique est relativement récent en Espagne et les ventes sont plus faibles qu’en France. Pour augmenter leur chiffre d’affaires, les éditeurs du secteur, comme ceux de l’édition dans son ensemble, se tournent vers l’Amérique latine tout en cherchant des alternatives à l’export avec leurs partenaires hispanophones.


En France, le livre pratique, qui représente environ 9% de la production et 13% des ventes, s’est assez bien porté en 2016. Selon le SNE, le segment a enregistré une hausse de 5,5%, ce qui le place parmi les trois domaines en progression de l’année. À l’inverse, en Espagne, la tendance est plutôt à la baisse et la production comme les ventes de livres pratiques représentent environ 6% de l’activité éditoriale. Ce résultat est en contradiction avec la courbe générale de l’édition espagnole, tous secteurs confondus, qui amorce une reprise après des années de crise.

 

David Domingo, directeur des éditions Tutor et El Drac à Madrid, pense que les difficultés que connaît son secteur actuellement sont d’abord liées à une surproduction des livres pratiques ces dernières années. "Soudain beaucoup d’éditeurs qui n’avaient jamais fait de livre pratique auparavant se sont mis à en publier, alors le marché a été saturé", explique-t-il.

 

En outre, la visibilité des livres pratiques en librairie pose problème en Espagne. "Les libraires n’accordent pas assez d’espace à nos livres. Ils préfèrent mettre en avant la littérature et les best-sellers. Vu leurs thématiques, les livres pratiques ont besoin de temps pour se vendre, ce sont des long-sellers. C’est pourquoi chez nous la plupart des livres pratiques se vendent sur Internet et non pas dans les librairies traditionnelles", précise-t-il.

 

Le bien-être sous toutes ses formes de part et d’autre des Pyrénées

Selon Clo Vautherin, libraire à La Central (Madrid) et intervenante espagnole sur les tendances du marché, le développement du secteur est plus récent en Espagne, où les thématiques autres que la cuisine commencent juste à pénétrer les librairies (hors chaînes), via le développement personnel et aujourd’hui le parenting. Ce dernier est également en France une des locomotives du segment santé/vie de famille qui représente à lui seul plus de 40% des titres de vie pratique (en nombre d’exemplaires vendus) et est en hausse de 12% sur l’année 2016.

Globalement, les tendances récentes sur le marché espagnol sont identiques à celles du marché français et la palme revient au bien-être, qu’il soit dans son assiette, dans son corps, dans son esprit ou sur la planète.

 

Dans un deuxième temps, les éditeurs français et espagnols ont échangé sur leurs expériences en matière d’export et de coproductions à l’intérieur d’un même espace linguistique. Là encore, la crise financière en Espagne a été rappelée et a constitué le point de départ de l’intervention de Claudia Casanova, directrice éditoriale aux éditions Kitsune, appartenant au groupe Ático de los Libros. Comme tant d’autres éditeurs espagnols, tous secteurs confondus, elle a qualifié le marché latino-américain de véritable "ballon d’oxygène".

 

L’Amérique latine représente 40% à 50% du chiffre d’affaires d’Ático de los Libros

Ático de los Libros a décidé en 2013, après quelques échecs de partenariats avec des agents locaux, de monter une structure de distribution au Mexique à partir de laquelle l'éditeur approvisionne aujourd’hui l’ensemble du marché latino-américain. En effet, une distribution du Mexique vers l’Argentine reste financièrement plus intéressante que de l’Espagne vers l’Argentine. La production locale, adaptée aux spécificités du marché, qu’elles soient culturelles (auteurs locaux) ou tarifaires (prix de vente), est arrivée dans un second temps. Aujourd’hui, 40% à 50% du chiffre d’affaires de la structure est réalisé en Amérique latine, mais le problème, souligne Claudia Casanova, "c’est de toucher l’argent". Lorsqu’elle évoque les partenariats avec des éditeurs hispanophones, l’éditrice avoue que "l’impact est plus culturel que commercial, d’où notre développement en propre".

 

Les partenariats à l’intérieur de la francophonie

À l’inverse de la sphère hispanophone, relativement homogène, la francophonie est composée de deux entités économiquement différentes qui induisent différents montages possibles.

Avec un chiffre d’affaires à l’export qui représente 20% à 25% du total, dont la moitié réalisée entre la Belgique, la Suisse et le Canada, Eyrolles s’est essayé à des coéditions avec des partenaires francophones.

 

En effet, si dans le cas de la Belgique et de la Suisse les délais d’acheminement ne sont pas handicapants, ils le deviennent lorsqu’il s’agit de traverser l’Atlantique, explique May Yang, responsable des droits aux éditions Eyrolles. Les collaborations avec les partenaires québécois se sont révélées très fructueuses, permettant non seulement des sorties simultanées mais aussi des adaptations dont les répercutions commerciales ont été très positives. S’agissant de l’Afrique, c’est surtout la question des débouchés qui remet en cause l’utilité d’une coédition, sachant que la majorité des ventes effectuées sur le continent le sont à des institutions et non à des librairies. May Yang envisage cependant l’impression à la demande comme une solution intéressante.

 

Les deux intervenantes se sont accordées à dire que le succès présumé de certains partenariats dans le même espace linguistique peut être source de déception eu égard aux différentes méthodes de travail (délais, suivi des ventes, respect des contrats, etc.). De mauvaises expériences ont malheureusement un peu ébranlé la confiance des éditrices européennes en certains de leurs partenaires des zones respectives, et plus généralement en certaines formes de partenariats alternatives à l’export.

 

Dans le cadre des rencontres sur le livre pratique à Madrid, le BIEF a publié un focus sur l'édition de livre pratique en Espagne.


Laurence Risson

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