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Compte rendu

Retour sur les journées jeunesse et bande dessinée à Madrid

septembre 2017

Malgré la reprise des ventes, les éditeurs espagnols doivent continuer à se montrer inventifs en 2017 pour résister aux conséquences de la crise, cela quel que soit leur domaine. À commencer par les éditeurs de jeunesse et de BD qui ont été les premiers invités à livrer leurs témoignages lors des rencontres franco-espagnoles à Madrid.


La crise de 2008 a fortement touché l’édition en Espagne. Pourtant, dans un premier temps, le secteur de la jeunesse a été épargné : son chiffre d’affaires qui s’est maintenu pendant les premières années, a subi une réduction majeure en 2012 puis en 2013. Entre 2009 et 2015, il a enregistré un recul de 26%*. Face à cette situation, les éditeurs ont dû s’adapter et c’est ainsi que par exemple douze éditeurs barcelonais** ont créé en avril 2017 Álbum Barcelona, une association dont le but est de promouvoir l’album de création et d’améliorer sa visibilité sur le marché et dans la presse. Pour ce faire, le groupe organise plusieurs événements dans les mois à venir : la Semaine de l’Album, foire du livre qui aura lieu du 7 au 12 novembre et pendant laquelle se tiendra un forum destiné à la formation des enseignants sur l’album illustré ; des actions en librairies, dans des écoles ou en bibliothèques ; une présence collective au Salon du livre de Montreuil.

 

Composer avec l’Amérique Latine 

Lors de son intervention à la table ronde sur "La promotion, la diffusion et les relations libraires" dans le secteur de la jeunesse en France et en Espagne, Fernando Diego García, fondateur de Libros del Zorro Rojo, a abordé la question de l’export vers les pays d’Amérique latine. Originaire d’Argentine, cet éditeur connaît bien le sujet.

Pour rappel, le chiffre d’affaires à l’export du livre jeunesse représente 13,6% du CA total du secteur éditorial espagnol à l’export. Les principaux pays destinataires sont le Mexique et l’Argentine, le Portugal venant en troisième position.

Créées en 2004, les éditions Libros del Zorro Rojo, spécialisées en livres illustrés (jeunesse, jeune adulte et tout public), "ont connu tous les problèmes que peuvent rencontrer les petites structures". Pour faire face à un pouvoir d’achat plus faible en Amérique latine qu’en Espagne, la maison a rapidement fait le pari de créer des filiales sur place, en Argentine et au Mexique. La publication simultanée dans les trois pays a permis d’adapter les prix en fonction du pouvoir d’achat local, de faire mieux circuler les livres d’un pays à l’autre et de pratiquer la vente directe notamment dans les pop up markets, petits salons du livre qui durent trois ou quatre jours.

Fernando Diego García rappelle toutefois qu’"en Amérique latine, c’est difficile de vendre des livres mais encore plus de toucher l’argent !", les délais de paiement pouvant aller jusqu’à 200 jours.

 

Sur dix titres de jeunesse, quatre sont des traductions

L'éditeur rappelle également que quatre titres jeunesse espagnols sur dix sont des achats de droits. Le français, qui représente 16,2% des achats des éditeurs espagnols dans ce secteur, vient en deuxième position après l'anglais. Pour renforcer la collaboration avec les éditeurs français qui, "il faut le reconnaître sont vraiment les leaders sur le livre jeunesse", il lance des pistes de réflexion : coéditions adaptées au marché du livre et au pouvoir d’achat espagnol et latino-américain et conditions plus "flexibles" pour les éditeurs espagnols.

 

L’Amérique latine attractive pour les éditeurs de bande dessinée ?

Tout comme leurs homologues français, les éditeurs de BD espagnols sont de plus en plus à la recherche de titres de non-fiction, avec pour objectif de toucher un lectorat a priori non amateur de bande dessinée. Cette forme narrative étant encore peu développée en Espagne, c’est dans la production d’autres pays que Catalina Mejía, responsable éditoriale chez Salamandra Graphic et intervenante à la table ronde, a trouvé matière à construire son catalogue. La trentaine de titres qui le compose aujourd’hui provient en grande majorité de l’étranger (comme par exemple les traductions du français : les trois premiers volumes de L’Arabe du futur ou À boire et à manger…). Salamandra publie pour l’Amérique latine et c’est surtout en Argentine, qui possède une réelle culture de la BD, que les ventes sont les meilleures. Certains titres, tel que Cosmicomic sur la théorie du big bang, fruit de la collaboration d’un astrophysicien et d’un dessinateur italiens, ont été des succès aussi bien en Espagne qu’en Amérique du Sud.

 

A l'occasion des rencontres, le BIEF a publié un focus sur l'édition de jeunesse en Espagne.

 

 

* Les chiffres cités proviennent du Focus sur l’édition jeunesse en Espagne publié par le BIEF en juin 2017 (auteur : Isabelle Torrubia).

** A Buen Paso, Babulinka, BiraBiro, Coco Books, Corimbo, Ekaré, El Cep i la Nansa, Flamboyant, Juventud, Libros del Zorro Rojo, Takatuka, Thule (www.albumbarcelona.org).

 

Anne Riottot

 

 

Un "avant-Francfort" en Espagne

 

Madrid a accueilli 45 maisons d’édition jeunesse et BD. Isabelle Torrubia, directrice de l’Agencia Literaria, a participé à l'organisation du volet jeunesse et BD des rencontres, répond à nos questions.

 

Que retenez-vous des rencontres professionnelles franco-espagnoles à Madrid ?

 

Il me semble qu’elles ont permis aux éditeurs espagnols de se faire une idée de la qualité et de la variété de la production française. Ces rencontres ont favorisé de nouvelles prises de contact, en particulier avec des petits éditeurs ne pouvant être présents dans les foires internationales et pour les autres, il est toujours intéressant de se voir et d’échanger. J’ai eu un excellent retour des éditeurs espagnols qui pour certains y ont vu un pré-Francfort "à la maison".

 

Selon certains éditeurs français et espagnols présents, le secteur de la jeunesse est plus conservateur en Espagne qu’en France. Partagez-vous cette opinion ?

 

Oui, c’est évident. L’édition de livres jeunesse est étroitement liée à l’édition scolaire. La plupart des grandes maisons de livres scolaires et jeunesse sont elles-mêmes liées à des ordres religieux (même si elles font le plus souvent preuve d’une grande ouverture d’esprit), cela implique une certaine vision du monde et du livre comme porteur de valeurs morales avant tout.

Mais il y a de très nombreuses exceptions, en particulier chez les petits éditeurs ou les éditeurs indépendants !

 

Des coéditions en jeunesse entre la France et l’Espagne ont été évoquées. Qu’en pensez-vous ? Comment les encourager ?

 

Cela me semble tout à fait essentiel. D’ailleurs, une grande partie de mon chiffre d’affaires dépend des coéditions… De nombreux titres n’accéderaient pas à la traduction sans cela, en particulier en ce qui concerne les livres pour la petite enfance ou les novelty books. Cela pourrait être d’autant plus intéressant qu’il est rare que ces livres soient bénéficiaires d’aides à la publication. Mais il faut avant tout que les maisons d’édition françaises elles-mêmes soient convaincues de l’importance des coéditions qui exigent du travail et une excellente relation entre les services de fabrication et des droits étrangers. Je suis convaincue que ces efforts sont tout à fait rentables à court terme.

 

Quelle place occupe la BD en Espagne et en Amérique latine ?

 

La BD ne tient pas la place qu’elle tient en France. Elle reste pour la majorité de la population (assez peu lectrice), un genre mineur. De son côté, le roman graphique connaît un développement tout à fait notable et de nombreux titres sont d’ailleurs traduits en français. En revanche, l’édition de BD jeunesse n’est clairement pas aussi florissante qu'en France.

 

Propos recueillis par Katja Petrovic



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