Articles

Imprimer Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur LinkedIn

Portrait et entretien de professionnel

Questions à KOH Young-soo, président de la Korean Publishers Association

mars 2016

Le paysage éditorial coréen vu par le président de la Korean Publishers Association : au cours de son histoire, l'édition en Corée a évolué selon les politiques gouvernementales d’industrialisation tournées vers l’export à partir des années 1960-1970, et c’est par une évolution constante qu’elle connaît de bons résultats tant qualitativement que quantitativement.


BIEF : Quelles sont, selon vous, les caractéristiques principales du marché de l’édition coréen ?

 

K. Y.-s. : Même si la Corée appartient à une minorité linguistique du fait de son utilisation unique des caractères hangeul, son industrie de l’édition se classe parmi les dix meilleures au monde par sa taille et la vivacité de ses actions. Au cours de son histoire, elle a évolué selon les politiques gouvernementales d’industrialisation tournées vers l’export à partir des années 1960-1970, et c’est par une évolution constante qu’elle connaît de bons résultats tant qualitativement que quantitativement.

La volonté, le dynamisme et la créativité des éditeurs coréens, toujours poussés par la recherche d’innovations, sont devenus la force motrice de notre industrie de l’édition. Le marché du livre coréen doit beaucoup à l’engouement des Coréens pour l’éducation. Grâce aux politiques de promotion de la lecture lancées dans les années 1990, le niveau d’éducation des Coréens augmente et les ressources culturelles sont diffusées en masse, ce qui se traduit par une augmentation des ventes de livres.

 

Avec l’entrée dans le nouveau millénaire et la révolution du numérique, l’édition coréenne a dû faire face à une crise. Le marché du livre coréen a subi une baisse du lectorat traditionnel et un déclin des livres papier, en parallèle à un développement des médias numériques. On passe alors à une production plus variée mais en petite quantité, on encourage la production et la diffusion des ebooks, on développe des librairies en ligne, on informatise les techniques de production des livres (PAO) et on utilise un système à bas coût et haut rendement.

Actuellement, l’édition indépendante et l’autoédition sont en augmentation, du fait du système de vente des livres à la commission et de la facilité de la mise en circulation. De plus, l’augmentation des ventes en ligne engendre une disparition des librairies de quartier. Pour sauver ces librairies, nous nous efforçons d’organiser diverses manifestations de promotion de la lecture auprès d’un lectorat varié.

 

BIEF : Le rôle de la Corée semble s’intensifier sur le marché international du livre. La diffusion de la culture coréenne peut-elle aussi passer par les livres ?

 

K. Y.-s. : La vague coréenne hallyu (la k-pop, les k-dramas ou encore le k-style) commence à se propager à l’international en 2002, après la coupe du monde de football Corée/Japon. Invitée d’honneur de la Foire du livre de Francfort en 2005, la Corée lance les k-books sur le marché du livre étranger. Suivent la Foire du livre de jeunesse de Bologne, le Salon du livre de Beijing, ceux de Tokyo et de Londres, etc., où livres et auteurs coréens s’exportent. Les œuvres majeures de grands auteurs comme Hwang Sok-yong, Kim Young-ha, Kim Ae-ran, Hwang Son-mi, Han Kang, Lee Jeong-myeong ou Gong Ji-yeong sont aujourd’hui régulièrement publiées à l’étranger.

L’intérêt pour la culture coréenne à l’étranger, apparu avec la musique et les dramas, s’étend aujourd’hui au domaine de l’édition, permetant de compenser la récession du marché domestique coréen. Notre participation constante à des salons du livre à l’étranger favorise, au-delà de la vente de droits, une meilleure connaissance de la littérature coréenne et la construction d’un réseau de professionnels.

Depuis dix ans, les livres pour enfants et les manhwas éducatifs sont les stars des salons. Ces derniers se sont déjà vendus, en Corée et à l’étranger, à plus d’un million d’exemplaires. Et nous commençons à nous ouvrir aux livres pratiques et ouvrages de langue.

 

Ainsi, en 2014, les livres coréens ont connu une plus grande diffusion sur le marché international. Chaque année, la littérature jeunesse coréenne est présentée à la Foire du livre de jeunesse de Bologne et, depuis presque dix ans, les auteurs coréens y sont récompensés par un prix ou une mention.

 

En participant à Livre Paris en tant que pays invité d’honneur et en organisant des évènements culturels commémoratifs des relations diplomatiques entre nos deux pays, nous espérons faire avancer le marché du livre coréen. Notamment dans les domaines des webtoons, des livres pour enfants et des livres numériques, qui seront le moteur de la génération future. Au vu de tous nos efforts pour développer le marché international du livre, je suis persuadé que nous allons obtenir de nombreux résultats.

 

BIEF : Que pensez-vous des échanges entre les éditions coréenne et française ? Comment pourrait-on renforcer ce partenariat ?

 

K. Y.-s. : La France et la Corée entretiennent des relations diplomatiques depuis 1886 et échangent dans de nombreux domaines : politique, socio-économique, culturel, diplomatique. Nous célébrons cette année la commémoration des 130 ans de relations diplomatiques entre la France et la Corée avec l’organisation conjointe des Années Croisées France-Corée 2015-2016. Les échanges dans le domaine de l’édition sont moins actifs que dans d’autres secteurs.

Les échanges de droits de traduction se concentrent sur les auteurs majeurs en littérature. Ainsi, la littérature française publiée en Corée est représentée par Bernard Werber, Alain de Botton, Guillaume Musso, Le Clézio, etc. Ce sont également des auteurs coréens majeurs qui ont été traduits en français avec l’aide de l’Institut coréen de la traduction littéraire (KLTI). Au niveau institutionnel, les ouvrages publiés par l’édition française sont consultables à la bibliothèque de l’Institut français de Corée et de nombreux événements culturels, comme la projection de films français, sont organisés en Corée par ce même institut. Côté français, le Centre culturel coréen met lui aussi en place différents programmes de présentation de la culture coréenne, comme des évènements littéraires avec des auteurs coréens et français, organisés en partenariat avec le KLTI.

 

L’Institut français de Corée participe chaque année à la Foire internationale du livre de Séoul, où il présente la diversité de l’édition française et sa culture. En 2010, la France y était pays invité d’honneur. De nombreux écrivains français majeurs avaient été invités et des rencontres avec les lecteurs coréens organisées, aux côtés de nombreux évènement culturels, qui avaient beaucoup plu aux lecteurs coréens. En mars 2016, c’est au tour de la Corée d’être pays invité d’honneur du Salon du livre de Paris. Elle y sera accompagnée d’une délégation d’auteurs, et de nombreuses manifestations et rencontres avec les écrivains et les lecteurs français seront organisées, afin d’y présenter la diversité de l’édition coréenne.

Ce genre de manifestations permet de renforcer les échanges entre les éditeurs de nos deux pays.

 

BIEF : Quelles sont vos attentes par rapport à Livre Paris 2016 ?

 

K. Y.-s. : En tant que pays invité d’honneur, la Corée va présenter les ouvrages représentatifs de ses 68 plus grands éditeurs, dans des domaines variés, des classiques de la littérature coréenne aux polars. À travers une exposition spéciale, les visiteurs pourront découvrir également les livres pour enfants, les webtoons, les ebooks ou encore la plateforme Grafolio. Des rencontres avec une trentaine d’écrivains, traduits en français pour la plupart, seront notamment organisées, ainsi que des débats avec des auteurs français.

Avant l’ouverture du salon, une rencontre organisée par le BIEF réunira des éditeurs français et coréens, pour présenter la situation actuelle des marchés respectifs de l’édition et les dernières tendances. Les lecteurs français de tous les âges sont attendus au Pavillon de la Corée pour y découvrir les livres coréens et discuter avec les auteurs, afin d’apprendre à mieux connaître la Corée.

Ce salon qui met l’accent sur l’édition et la culture va permettre de fairedécouvrir les particularités de la Corée et, grâce à la présence des éditeurs
et des écrivains, de développer l’industrie coréenne du livre.

 

BIEF : En mars 2015, le CNL et le KPIPA ont signé une convention pour renforcer la coopération entre nos deux pays dans le domaine de l’édition. Quelles sont les attentes des éditeurs coréens ?

 

K. Y.-s. : Suite à la signature de cette convention et à l’occasion des Années Croisées France-Corée 2015-2016, nous espérons pouvoir renforcer nos échanges dans le domaine de l’édition dans les trois ans à venir, cela grâce à des aides au financement de projets éditoriaux, de travaux d’écriture des écrivains français et coréens, de publications de contenus franco-coréens, de traductions, ainsi que par la formation d’un comité de contrôle et l’organisation de conférences entre les professionnels du monde du livre.

La Caisse nationale des lettres, ancien nom du Centre national du livre, a été créée en 1946 afin de promouvoir l’édition française et d’offrir un soutien financier à son développement. L’accord signé entre le CNL, qui joue un rôle très actif dans le monde de l’édition français, et son homologue coréen le KPIPA est très important. S’inspirant des aides offertes par le CNL et de son engagement dans le développement de l’édition française, le KPIPA œuvre pour la promotion et le développement de l’édition coréenne.

 

Cette coopération dans le domaine de l’édition passe par des politiques partagées sur le prix fixe du livre, les droits d’auteur, les indemnisations accordées aux créateurs numériques, la diversité éditoriale, les réseaux de distribution du livre, la destruction des reproductions illégales, etc. Les politiques éditoriales des deux pays sont régulièrement débattues lors de conférences organisées conjointement durant les salons du livre de Séoul et de Paris. Elles seront l’un des thèmes traités au cours de la rencontre organisée par le BIEF, les 15 et 16 mars 2016. Ces échanges directs entre éditeurs français et coréens sont appelés à se poursuivre en juin lors de la Foire internationale du livre de Séoul.

 

Grâce aux programmes de subvention aux auteurs et aux traducteurs offerts par le CNL et le KLTI, grâce aux échanges entre les professionnels du livre, nous espérons mettre en place un échange sur le long terme et contribuer au développement de nos deux éditions.


Propos recueillis par Catherine Fel