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Les grands acteurs du manga en France

avril 2012

Après 22 ans de présence dans les librairies françaises, les ventes de mangas se stabilisent depuis trois ans après une décennie de forte croissance. En volume, leur chiffre d’affaires atteint 36% des parts de marché de la bande dessinée et leur offre a atteint, en 2011, un total de 1 494 nouveautés, soit 38,9% de la production nationale de bandes dessinées en France.
Après 22 ans de présence dans les librairies françaises, les ventes de mangas se stabilisent depuis trois ans après une décennie de forte croissance. En volume, leur chiffre d’affaires atteint 36% des parts de marché de la bande dessinée* et leur offre a atteint, en 2011, un total de 1 494 nouveautés, soit 38,9% de la production nationale de bandes dessinées en France.
 
En 1990, la France, qui ignorait jusque-là la production éditoriale nipponne, fut soudain frappée par un "japonisme" comparable à la folie des estampes japonaises à la fin du XIXe siècle, lorsque Émile Zola écrivait dans Au Bonheur des Dames (1883) : « Quatre ans venaient de suffire au Japon pour attirer toute la clientèle artistique de Paris », il n’en fallut pas davantage pour que le manga séduise pareillement la France.
 
Un succès inattendu

L’audience des dessins animés diffusés en France – mais aussi, sans aucun doute, celui des jeux vidéo – va inverser la donne. En 1990, Glénat publie Akira de Katsuhiro Otomo. Ce Mad Max pour ados est un gros succès au Pays du Soleil levant. L’éditeur grenoblois accepte de le publier en France, tandis que l’éditeur japonais achète, lui, les droits des Passagers du vent. Glénat lance la série en kiosque sous forme de magazines à 12 000 exemplaires. Les ventes se stabilisent rapidement, mais c’est surtout en librairie que le succès est énorme : 35 000 exemplaires au titre dès la première année. Glénat tient un nouveau best-seller.
 
Impressionné par le dessin très lisible de la série d’Akira Toryama, Dragon Ball Z, mais surtout par les audiences remarquables que la série enregistrait sur le petit écran (291 épisodes avaient été produits, ce qui en fait l’une des séries les plus longues de l’histoire de la télévision), Glénat renouvelle, en 1993, l’expérience d’un lancement conjoint en librairie et en kiosque. Près de 20 ans plus tard, le compteur dépasse les 20 millions d’exemplaires vendus en France.
 
Aujourd’hui, les éditeurs de mangas en France sont au nombre de 35 (39 en 2010) et, après une croissance à deux chiffres jusqu’en 2006, leurs ventes se tassent avec une production annuelle de 1 500 nouveautés.
 
Les principaux acteurs du marché
Le premier éditeur du marché est Kana, un label du groupe Média-Participations : 203 nouveautés publiées en 2011 (152 en 2010)***, avec également les plus gros best-sellers, dont la série Naruto est à la meilleure place des ventes de l’année 2011 (le n°1 de cette série, qui en est à son 59e volume, atteint près de 500 000 exemplaires vendus depuis 2002) et place trois titres dans les 5 meilleures ventes de l’année, toutes BD confondues : la première (pour le n°52 de la série), la troisième (le n°53) et la cinquième place (n°54)**** ! 
La production de Kana a fortement progressé en nombre de titres ces dernières années. Ce label a dû compenser la rareté des nouveaux best-sellers disponibles (les Français ont épuisé, en 15 ans, 40 ans de best-sellers nippons, il était logique que la source se tarisse un peu). Cette progression de plus de 25% en un an de sa production annuelle correspond aussi à une volonté de diversifier l’offre, afin de ne pas rester sur le seul segment "shônen" du marché, réservé aux ados et aux jeunes adultes. Les grosses licences vont se faire rares dans les prochaines années, autant assurer l’avenir avec un choix d’ouvrages aux ventes moyennes mais bien ciblées.
 
Le deuxième acteur du marché est Glénat Manga qui, avec 170 nouveautés (contre 155 en 2010), continue également sa croissance en termes d’offre éditoriale et arrive à placer sa série One Piece dans le groupe de tête des meilleures ventes de 2011, à la 8e (n°57) et à la 9e place (n°56). Avec dans son catalogue la licence Dragon Ball, série evergreen, Glénat peut voir venir tout en opérant, comme Kana, une diversification de son offre vers une typologie de lecteurs plus adultes, un lectorat plus féminin, voire même des non-lecteurs de BD, en surfant sur la vague des "romans graphiques", comme le fait Casterman avec les œuvres de Taniguchi.
 
Derrière ces deux leaders, quelques "outsiders" méritent  l’attention. À la suite du rachat des éditions Soleil (juin 2011) et de la réunion des labels Delcourt/Akata, Tonkam et Soleil Manga, le groupe Delcourt devient le premier producteur de mangas de France avec 366 nouveautés (contre 334 l’année précédente). Constitué d’un grand nombre de ventes moyennes et peu de "blockbusters", Delcourt propose l’offre la plus diversifiée du marché, mais subit les retombées d’une crise économique qui favorise les valeurs refuges, et donc les leaders. La production d’Akata et de Tonkam a fléchi ces deux dernières années. Soleil manga devrait suivre. Éditeur réputé prudent, Guy Delcourt prend la mesure d’un marché qui est en train de se tasser et qui va peut-être entrer en régression.
 
Asuka/Kaze Manga est le quatrième plus gros producteur de nouveautés de l’année 2011, avec 189 titres (contre 187 en 2010). Or, ces deux labels – dont le premier est spécialisé dans le boys love (aventures sentimentales homosexuelles destinées à un public de jeunes filles) et le second dans le shônen (aventures d’action destinées aux garçons), lequel est aussi un label très actif du DVD d’animation japonaise – sont des filiales de Viz Europe, la tête de pont des géants du manga japonais Shueisha et Shogakukan. Des géants qui pèsent en CA vingt fois plus que le groupe Média-Participations, le leader francophone. Ils possèdent en outre les licences des bandes dessinées les plus profitables de la sphère manga (Naruto, One Piece, Dragon Ball…). Ils contrôlent les principaux acteurs de la diffusion des manganimes en Europe, que ce soit à la télé ou en DVD. Leur progression, d’année en année, ne laisse pas d’inquiéter les leaders du marché francophone Kana et Glénat, même si les "grosses licences" ne sont pas pour le moment remises en cause. Mais leur quatrième place montre qu’ils ont la volonté de s’investir sur ce marché en en connaissant parfaitement les rouages.
 
On peut être impressionné aussi par Pika qui, s’il marque le pas en 2011 en publiant 162 nouveautés cette année contre 189 en 2010, est confortablement adossé au groupe Hachette. L’éditeur de Clamp s’est installé dans le paysage du manga, avec parfois un coup d’éclat, comme l’arrivée en 2012 de Naoki Urasawa, l’auteur de Monster et de 20th Century Boys, avec sa nouvelle série Billy Bat.
 
Derrière ces grands producteurs de nouveautés, d’autres labels tirent leur épingle du jeu, parmi lesquels Ki-Oon, un label indépendant de plus en plus actif, qui a réussi à décrocher cette année un prix au Festival de la BD d’Angoulême 2012 pour sa série Bride Stories de Kaoru Mori et a produit 87 nouveautés cette année ; ou encore Taïfu Comics (84 nouveautés), lui aussi présent sur le segment porteur du boys love. On mentionnera aussi la filiale d’Editis, Kurokawa (79 nouveautés), et Panini, grand pourvoyeur de comics Marvel (71 nouveautés). Casterman et Doki-Doki (filiale de Bamboo) ne déméritent pas non plus.

On ne saurait passer sous silence le succès de Japan Expo à Villepinte qui, à l’occasion de sa 12e édition, vient de passer le cap des 190 858 visiteurs, dont 65% de 15-25 ans et 17% de moins de 15 ans, avec 572 exposants et 51 527 m² de stands, et est sans conteste la première manifestation de bande dessinée de France en termes de fréquentation.
 
On peut consulter aussi le dossier réalisé par Anne-Laure Walter pour Livres Hebdo (18 juin 2010) et L’histoire du manga par Karyn Poupée, éditions Tallandier.
 
* GfK, janvier 2012.
** Rapport Gilles Ratier, ACBD, 2011.
*** Bilan Manga 2011, Mangaverse.net.
**** GfK, idem.
 
 
L’espace manga au Salon du livre de Paris
Le Salon du livre 2012 mettra en valeur le manga, qui s’exporte désormais dans le monde entier comme l’un des symboles forts de la culture japonaise.
La France est le 2e pays consommateur de mangas au monde.
De nombreux événements seront organisés à l’intérieur d’une zone manga dédiée : stands d’éditeurs, rencontres avec des mangakas venus spécialement du Japon, débats sur les particularités de ce genre et sur les différentes étapes de sa production.
 
Le manga à Paris… Trois rendez-vous pour les passionnés du genre :
- la 13e édition de Paris Manga qui a eu lieu du 4 au 5 février 2011 à la porte de Versailles.
- au centre Pompidou à l’occasion de la grande exposition Planète Manga, qui se tiendra de février à mai 2012
- à Japan Expo à Villepinte du 5 au 8 juillet 2012.
 
… et à Angoulême
Yoshiro Tatsumi a obtenu le Prix fauve d’Angoulême « Regards sur le monde » avec Une vie dans les marges (tomes 1 et 2) édités par Cornélius.

Didier Pasamonik

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