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Compte rendu

Séminaire des libraires francophones d’Asie et d’Océanie à Hong Kong

janvier 2012

[21-23 octobre 2011]
Douze libraires francophones d’Asie et d’Océanie ont été réunis à l’Alliance française de Hong Kong à l’initiative de l’AILF et en partenariat avec le Cnl et le Bief, une première dans cette région du monde. La rencontre a permis de recueillir les témoignages des responsables de librairies sur la situation du livre français dans cette zone et sur les contraintes mais aussi les perspectives de leur métier.

Des librairies françaises en Asie réunies le temps d’un séminaire à Hong Kong ?
L’initiative peut surprendre tant le marché du livre français fait figure d’anecdote au regard des chiffres de l’export. Selon les données de la Centrale de l’édition, les ventes de livres français en Asie et Océanie ont représenté en 2010 un peu plus de 2% du montant total des exportations. Mais pour les douze libraires venues participer à cette première rencontre du genre, la proposition a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et une pointe de curiosité. C’est à Jacques Bernard, libraire à Perth en Australie, mais également responsable pour la zone Asie-Océanie au sein de l’AILF, que revient le mérite d’avoir monté le projet, en y associant dès le départ le BIEF et le Centre national du livre, considérés comme autant de « partenaires naturels ». « En réunissant les libraires de la zone et en les aidant à se renforcer, l’idée est aussi de mieux promouvoir l’édition française », dit-il.
 
Choisie pour accueillir le séminaire, la ville de Hong Kong présente pourtant le visage d’une ville où le livre semble appartenir à un monde révolu. Dans le métro ou dans les bus, smartphones et tablettes numériques ont désormais remplacé livres et journaux. La spéculation immobilière aidant, il est bien difficile de trouver une seule librairie qui ait encore pignon sur rue. L’unique librairie française, dirigée par Madeline Progin, s’appelle Parenthèses et, dans son quartier, où ce ne sont plus que des boutiques de marques, elle fait en effet figure d’exception. Elle le revendique, et cela fait tout son charme. Installée au deuxième étage d’un immeuble de commerces et de bureaux, elle se présente comme un appartement où l’atmosphère reste inchangée, ne serait-ce les piles de livres renouvelées.
 
En réalité, pour payer un loyer qui dépasse aujourd’hui les 6 000 € mensuels, Parenthèses doit vendre beaucoup de livres scolaires et de FLE aux établissements huppés de la ville. Pour l’instant, le pari semble encore tenir, mais pour combien de temps ? Cette équation incertaine semble être le lot de la plupart des libraires de la région. Olivier Jeandel, le libraire français de Bangkok, a ainsi parfaitement résumé la situation. Selon lui : « Les librairies françaises en Asie doivent vendre pour 40% au minimum de leur CA en livres scolaires… et sont pour le reste condamnées à être des “boutiques de luxe” ». Un constat d’ailleurs partagé par la plupart des professionnels, comme l’ont démontré les présentations de chacune des librairies au cours de la première journée. Ainsi – à l’exception de Kinokuniya, filiale à Singapour d’une chaîne de librairies appartenant à un groupe japonais, ou encore de la librairie Papillon, implantée à Oulan-Bator en Mongolie –, il ne peut y avoir de librairie généraliste et d’offre diversifiée sans l’apport du scolaire ou du FLE.
 
Cette dépendance à l’égard des achats prescrits inquiète plus qu’elle ne rassure, car les libraires savent que de plus en plus d’établissements scolaires et de parents d’élèves ne tarderont pas à basculer vers le livre numérique. Lequel ne passera plus par le canal de la librairie traditionnelle. C’est du moins la crainte qui a parcouru les trois jours de la rencontre. La concurrence d’Amazon demeure également une menace, mais la situation diffère ici d’une région à l’autre. Très forte en Australie, elle est inexistante au Vietnam ou en Chine. Enfin, le développement du livre numérique, hors scolaire, apparaît pour tous comme une évidence et… une énigme.
 
C’est sur ce dernier point que les participants se sont montrés le plus avides d’informations, en souhaitant notamment connaître les positions de leurs confrères français. Le dernier jour a été l’occasion de présenter l’état du débat en France et les quelques solutions mises en œuvre par des libraires (ou des groupements de libraires) dans l’Hexagone. Si, par les questions qu’il suscite, le livre numérique permet un rapprochement entre libraires de France et d’ailleurs, il met plus encore en évidence la fragilité des structures de librairies françaises à l’étranger quand elles sont indépendantes. Jacques Bernard a insisté pour rappeler que la plupart d’entre eux n’avaient ni le temps, ni nécessairement les compétences, ni les moyens financiers pour mettre en place une offre numérique quand celle-ci ne rapporte pour l’heure presque rien.
 
D’où l’urgence de réfléchir à la mise en place de solutions mutualisées pour les libraires francophones dans le monde. Une préoccupation qui ne manquera pas de nourrir d’autres débats déjà relayés auprès du Cnl comme auprès du Syndicat de la librairie française.

Pierre Myszkowski

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