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Portrait et entretien de professionnel

Le Forum, librairie française à Fremantle, Western Australia : L'ici est ailleurs

août 2009

Jacques Bernard a ouvert, il y a cinq ans en Australie, la librairie Le Forum. C’est la première, et la seule, librairie spécialisée en langue française sur tout ce vaste continent anglophone quinze fois plus grand que la France et qui compte 50 000 francophones.
Jacques Bernard ne vient à Paris que pour y passer. Il était au dernier Salon du livre, où il a assisté à l’assemblée générale de l’AILF, qui lui a confié depuis trois ans une mission de développement du réseau des libraires francophones de la région Asie/Océanie, et dont le projet plus général de charte des libraires francophones lui tient très à coeur. Il a vécu à Hong Kong, à Singapour, au Vietnam mais, dans la capitale du pays où il est né, seulement quelques années pendant ses études. Après avoir travaillé pour une société internationale de télécommunications, il cherche à se reconvertir. Qu’aime-t-il faire ? Transporter ailleurs son attachement à la culture et à la langue française pour les faire pousser comme un arbre. C’est ainsi qu’il décide d’ouvrir, il y a cinq ans en Australie, la librairie Le Forum, à l’angle d’une galerie de Fremantle, ville portuaire connue jusque-là surtout pour avoir accueilli en 1987 la coupe de l’America. C’est la première, et la seule, librairie spécialisée en langue française sur tout ce vaste continent anglophone quinze fois plus grand que la France et qui compte 50 000 francophones. Une aventure et un défi bien au goût d’un pays qui les favorise.

Un métier de pionnier
« Avant, on ne trouvait des livres français que dans des librairies multilingues. » L’idée est nouvelle, il faut la faire vivre. Très vite, Jacques Bernard utilise les grandes distances qui séparent les différents points du pays comme un atout : il crée un site internet de vente en ligne, dont la plus-value est de proposer sa propre sélection d’ouvrages, qui lui semble correspondre au marché, et qui constitue par ailleurs le fonds de sa librairie. Il devient une vitrine du livre français à travers toute l’Australie, au lieu d’une seule librairie de proximité, probablement vouée à l’échec. Excentré, il redevient à sa façon un centre de promotion du livre français. Il multiplie les démarches pour trouver des débouchés, des partenaires – écoles et universités qui enseignent le français, alliances françaises, bibliothèques d’État. « C’est un travail énorme en milieu anglophone. » Il faut toujours penser à la façon dont on va se développer et avec quels appuis. Depuis deux ans, la librairie, qui travaille en direct avec les éditeurs français, joue aussi un rôle d’importateur et de conseiller auprès de librairies indépendantes.
 
Des fans du Petit Nicolas à l’autre bout du monde
De son côté, la librairie Le Forum a défini une politique de prix incitative et un service personnalisé portant sur son offre de titres dans plusieurs disciplines : scolaire, FLE, roman, quelques beaux livres sur Paris, les châteaux de la Loire et la Provence, et un rayon important de livres pour la jeunesse publiés, entre autres, par l’École des loisirs, Nathan, Fleurus, Bayard et une petite maison d’édition originale, Talents hauts, qui édite des livres bilingues sous la forme de chapitres alternés dans les deux langues. Enfin, les piliers de la BD francophone, Tintin et Astérix, trônent aussi sur les présentoirs. Les animations se font souvent avec l’Alliance française. Jacques Bernard mise plutôt sur des projets innovants, comme la création de fiches pédagogiques pour les enseignants ou animer une émission hebdomadaire sur une radio communautaire, en partenariat avec RFI et UWA (University of Western Australia), cette dernière utilisant l’émission comme support
pédagogique pour l’enseignement du français à l’université www.rendezvousradio.com.au). Ou encore animer un groupe de chanson française (www.frenchconnexion.com.au).
 
Dans les meilleures ventes de livres français, Le Petit Prince et Le Petit Nicolas (étudié dans le secondaire et à l’université) ont fait le voyage jusqu’à l’autre bout du monde, ainsi que nos auteurs à succès comme Amélie Nothomb, Alexandre Jardin ou Daniel Pennac. Quelques écrivains français peuvent s’intégrer à la vie littéraire australienne, notamment à l’occasion de festivals d’écrivains, comme celui de Sydney, à la condition qu’ils soient traduits en anglais : Philippe Claudel est ainsi venu en Australie avec Les âmes grises. Mais les échanges entre éditeurs français et australiens sont rares. Et Jacques Bernard aime préciser que Tim Winton, l’un des auteurs australiens traduits en français, dont le roman Respire vient de paraître aux éditions Rivages, vit aussi à Fremantle…
Tout comme lui, qui ne fait que passer par Paris, où il a été invité par François Busnel sur France Info pour parler des lecteurs fans du Petit Nicolas en Australie : de l’ici ailleurs.

Catherine Fel

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