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Le paysage éditorial mexicain

mars 2009

Trois types d'éditeurs structurent ce paysage : le Fondo de Cultura Economica et les presses universitaires, les filiales des groupes internationaux et espagnols, les éditeurs mexicains indépendants...
À l’occasion de l’invitation d’honneur du Mexique au Salon du livre de Paris, le BIEF a actualisé son étude sur l’édition mexicaine, publiée en 2006.
Après avoir présenté la diversité du secteur de l’édition mexicaine, cette étude s’attache à souligner les principaux enjeux qui se posent à elle pour son proche avenir : nécessaires investissements dans la distribution de livres, mise en application de la loi sur le prix unique, lutte contre le piratage, renforcement du réseau des librairies…
L’extrait suivant brosse un aperçu du paysage éditorial mexicain, structuré de manière schématique en trois types d’éditeurs.

Dans les années 1960, ces éditeurs, financés par des fonds publics, ont stimulé la création littéraire latino-américaine. En effet, durant les quarante ans de régime franquiste en Espagne, le FCE, comme les presses des grandes universités mexicaines, ont publié tous les grands noms de la littérature, des sciences sociales et de la philosophie contemporaine. Ces titres, qui ont donné à ces éditeurs une force de frappe culturelle importante, sont toujours « vivants » dans leur catalogue et continuent de le nourrir.
La vocation première du FCE, créé en 1934, était de publier les grands textes fondamentaux de l’économie. Il a ensuite ouvert son catalogue aux sciences humaines et sociales (afin de publier les textes prescrits dans les bibliographies universitaires), puis à la littérature, pour créer un fonds réunissant les grands canons de la littérature. Ce fonds d’œuvres littéraires s’est enrichi d’une collection de livres de poche et d’une collection de type « Que sais-je ? », les « Brevarios ».
 
À partir des années 1990, le FCE a créé une collection de vulgarisation scientifique (qui compte aujourd’hui 200 titres) et une de livres pour enfants (« A la orilla del viento »), aujourd’hui renommée et qui a donné l’impulsion au secteur du livre de jeunesse au Mexique. 50% de ce catalogue de livres pour enfants est constitué de titres achetés à des éditeurs étrangers.
Le FCE a aujourd’hui 9 500 titres à son catalogue, dont près de la moitié sont toujours distribués. Il a publié 350 titres en 2008.

Parmi les grands noms de l’édition universitaire, on trouve les presses de l’UNAM (l’Université nationale autonome du Mexique) : c’est le principal éditeur de revues du pays (près de 200 titres) et un groupe éditorial de poids qui publie près de 1 200 titres par an (dont la moitié de nouveautés) ; mais on peut également citer le Colegio de México et l’Université autonome métropolitaine (UAM), ainsi que de nombreuses petites maisons issues d’universités privées ou d’instituts universitaires.
Au total, on estime que 3 nouveaux livres sont publiés chaque jour par les universités, ce qui représente une concurrence de taille pour les éditeurs privés.

Les éditeurs universitaires donnent le sentiment d’avoir un catalogue immense qui attend son heure. En effet, malgré la richesse et l’abondance de leur production (notamment des travaux sur des sujets pointus et risqués commercialement pour un éditeur privé), ils sont très mal distribués.
D’autre part, ces éditeurs connaissent de plus en plus un conflit d’intérêt entre leur devoir de publier les travaux de leurs chercheurs et les contraintes de rentabilité économique et les réductions de budgets publics qui affectent les universités. Plusieurs voies s’offrent à ces éditeurs universitaires : la coédition avec un éditeur privé, l’édition numérique ou le print on demand, la collaboration avec les universités de province ou les universités privées qui souhaitent étoffer leur catalogue.

Le Conaculta (Conseil national pour les arts et la culture) est l’équivalent de notre ministère de la Culture. Il édite des livres par le biais de sa Direction générale des publications (DGP). Son action vise à encourager la lecture. Il a également pour mission culturelle d’aider à la création littéraire et à la promotion de jeunes auteurs.
Le catalogue de la DGP (environ 1 800 titres) est dédié à la culture mexicaine. On y trouve les œuvres complètes d’auteurs mexicains, de la poésie et des romans mexicains, des ouvrages sur l’histoire du Mexique. La DGP publie également des livres d’art en coédition avec des éditeurs privés ou étrangers sur des thèmes mexicains, ainsi que des livres grand public d’introduction à l’art du Mexique et des livres sur les arts populaires (artisanat, cuisine mexicaine).
La DGP publie en moyenne 200 titres par an (environ un million d’exemplaires produits annuellement), dont 80% sont coédités avec des éditeurs privés.

Le Conaculta a aussi inclus dans son catalogue quatre collections de livres à bas prix et à diffusion massive. Ces ouvrages sont tous coédités avec de petits, moyens et grands éditeurs du secteur privé.
Dans ce système de coédition, l’éditeur privé assume la réalisation du projet éditorial tandis que l’État le finance. La DGP s’assure de resserrer les coûts en lançant un appel d’offres auprès des imprimeries. Les exemplaires produits sont partagés entre les deux parties et chacun s’occupe séparément de leur diffusion. Le Conaculta diffuse ses livres par la chaîne de librairies Educal et par le réseau des salles de lecture.

Le Conaliteg est une commission pour la gratuité des manuels scolaires qui publie à elle seule 170 millions d’ouvrages par an. En effet, depuis 1959, l’élaboration des contenus des manuels du primaire est entre les mains de l’État. Le Conaliteg est l’organisme chargé de la création et de la publication des ouvrages. D’autre part, les manuels scolaires étant gratuits dans le primaire et dans le secondaire, c’est également le Conaliteg qui assure leur distribution aux élèves (environ 233 millions d’ouvrages distribués gratuitement en 2006).

Dans les années 1970, les branches mexicaines d’éditeurs espagnols ou internationaux avaient pour activité exclusive l’importation. C’est à partir des années 1980 qu’elles ont commencé à produire leur propre catalogue. C’est à ce même moment que le secteur de l’édition a entamé son processus de concentration et de consolidation. Ces maisons sont aujourd’hui très puissantes. Elles se sont intégrées verticalement, recherchent activement de nouveaux auteurs et se livrent une concurrence sévère pour publier des best-sellers. Ce sont elles que l’on voit majoritairement en librairie et qui ont les plus gros moyens marketing.

Les maisons espagnoles implantées au Mexique ont trois types d’activité :
• Constitution d’un catalogue propre, soit par la recherche d’auteurs, soit par le rachat de petites maisons mexicaines indépendantes,
• Importation de titres venus d’Espagne,
• Impression sur place de titres du catalogue espagnol.

En ce qui concerne l’impression locale de titres espagnols, les stratégies diffèrent selon les groupes. Par exemple, Planeta importe tous ses titres et ne les imprime localement que s’ils ont connu un premier succès en librairie. À l’inverse, Santillana n’importe plus aucun livre d’intérêt général depuis l’Espagne et imprime directement au Mexique, pour coller au plus près de la demande. L’euro fort ayant augmenté la cherté des importations, de plus en plus de groupes font appel à la technologie du print on demand. En revanche, l’impression locale n’a pas de valeur ajoutée pour les livres de poche, par exemple, car les coûts de manufacture varient assez peu d’un pays à l’autre.

Bien que ne contribuant que dans une moindre proportion au chiffre d’affaires global de l’édition, les maisons d’édition indépendantes n’en sont pas moins majoritaires dans le paysage éditorial mexicain.
La maison indépendante mexicaine la plus importante est Siglo XXI. Spécialisée en sciences humaines, on pourrait la considérer comme le pendant privé du FCE, avec une orientation politique, au départ, plus ancrée à gauche et proche des mouvements de libération latino-américains du début des années 1970.

Les autres maisons d’édition indépendantes mexicaines sont de taille plus moyenne. On peut citer parmi elles, ERA, spécialisée en littérature générale. Ou encore Sexto Piso, une maison d’édition de littérature créée en 2002 et dont la créativité et le talent sont reconnus par tous les professionnels du secteur. C’est « la » maison en littérature qui monte aujourd’hui au Mexique.
Il existe bien d’autres maisons d’édition indépendantes qui sont en général de taille plus modeste. Parmi elles, 14 maisons d’édition de littérature, de théâtre et de poésie se sont réunies en association. Au sein de l’AEMI – Alianza de editoriales mexicanas independientes (l’Alliance des éditeurs mexicains indépendants) – des maisons comme El Milagro, Colibri, Trilce Ediciones cherchent à promouvoir de manière collective leur catalogue dans les librairies et les foires du livre.

L’étude est disponible auprès du BIEF ou accessible en ligne pour les éditeurs adhérents.


Quelques données chiffrées sur l’édition mexicaine
La Chambre nationale de l’industrie éditoriale mexicaine (CANIEN) vient de publier les principales données statistiques de leur secteur pour l’année 2007.

278 millions d’exemplaires ont été publiés en 2007. Plus d’un livre sur deux est publié par le secteur public au Mexique : ce sont majoritairement des manuels
scolaires, distribués gratuitement.
Concernant l’édition privée – représentée par les 229 maisons d’édition qui ont répondu à cette enquête –, elle a publié, pour cette même année, 20 300 titres (dont 6 039 nouveautés) soit une progression de 8,6% en un an.
Le chiffre d’affaires de l’industrie privée s’est élevé à 7,4 milliards de pesos en 2007, soit environ 462,5 millions d’euros. Il a baissé de 3,5% par rapport à 2006.
Le secteur de l’édition privée a connu une forte concentration ces dernières années : 10% des maisons d’édition publient 57% des titres et réalisent 75% du chiffre d’affaires total.
147 millions d’exemplaires ont été vendus en 2007, dont 22 millions (soit 15,5%) étaient importés. Malgré sa position géographique stratégique lui permettant d’atteindre un marché potentiel de plusieurs millions d’hispanophones (aux États-Unis et dans le cône Sud), les exportations restent relativement faibles.
Les ventes directes sont majoritaires au Mexique. Parmi elles, les ventes à l’État constituent le principal canal (avec 31% du total), suivies par les exportations (10%), puis les ventes aux écoles (9%).
La vente au détail se caractérise par l’effritement des parts de marché de la librairie. En 1996, les librairies totalisaient 45% des ventes totales de livres dans le pays. En 2007, elles n’en assurent plus que 28%. Les grands magasins, hypermarchés et supérettes, quant à eux, se partagent 8% de parts de marché. Leur présence comme acteur de poids dans la chaîne du livre ne cesse de s’affirmer depuis quelques années.
 

Une loi pour le développement de la lecture et du livre votée au Mexique
Historique
Mars 2006 : le Parlement mexicain adopte, à l’unanimité, une loi attribuant au livre un prix fixe. Cette loi est ensuite bloquée par un veto du président mexicain de l’époque Vicente Fox.
 
Décembre 2007 : le nouveau président mexicain Felipe Calderon, lors de son discours d’inauguration de la foire de Guadalajara, annonce la mise en chantier rapide d’une loi pour renforcer le livre et la lecture (sans toutefois se prononcer sur le prix unique).

Avril 2008 : le Sénat mexicain adopte à une large majorité (107 voix pour, 2 contre et 5 abstentions) la loi pour le développement de la lecture et du livre instituant le prix fixe du livre. Elle est publiée au Journal officiel du 24 juillet 2008.

Février 2009 :
règlement d’application de la loi, rendant sa mise en œuvre obligatoire, en cours de publication.
 
Les principales dispositions de la loi
Les éditeurs ou importateurs de livres fixent librement le prix de vente au public des livres qu’ils publient ou importent. Ce prix est unique et il ne peut y avoir de remises, sauf dans les cas suivants :
=> À la condition que les ouvrages ne soient pas revendus, des rabais peuvent être consentis aux achats faits par l’État, par les bibliothèques qui offrent un service de prêt et par les établissements d’enseignement et de formation professionnelle ou de recherche.
=> Des prix inférieurs au prix de vente public sont également autorisés lorsqu’il s’agit de livres publiés ou importés il y a plus de 18 mois, de livres anciens, de livres d’occasion, de livres retirés du catalogue, de livres épuisés ou de livres artisanaux.
Les actions en justice pour réparer les éventuelles violations à la loi sur le prix unique peuvent être menées par n’importe quel concurrent, professionnel de l’édition ou de la diffusion, ainsi que par des auteurs ou par des organisations de défense des auteurs.

Karen Politis