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Alger, Casa, Tunis… des salons du livre davantage ouverts aux échanges professionnels

juin 2007

Alger, Casablanca, Tunis… trois capitales qui sont aussi le lieu de trois rendez-vous annuels pour les professionnels du livre.
Le Salon du livre occupe une place majeure dans l’économie du livre de chacun des pays
Le SIEL en février pour le Maroc, le SILA  en septembre en Algérie, ou la Foire du livre de Tunis au mois de mai, chacune de ces manifestations est également un moment très attendu par le grand public. Et pour cause. Tous ces livres qu’il est parfois si difficile de trouver le reste de l’année sont alors réunis dans un seul et même espace.
 
Que trouve-t-on à cette occasion ? En premier lieu, la production nationale, puisque dans l’esprit des organisateurs (les pouvoirs publics, principalement le ministère de la Culture, en association avec les organisations professionnelles), ces salons du livre sont d’abord l’occasion de promouvoir l’édition locale. Ensuite, la production importée, qui se répartit entre la production des éditeurs français et celle des éditeurs arabes (du Liban, d’Égypte, d’Arabie Saoudite pour l’essentiel). Tous les secteurs sont représentés, parfois plus le scolaire, l’universitaire, le livre religieux, même si la littérature, les sciences humaines ou la jeunesse sont aussi de plus en plus prisées.
 
Pour les éditeurs et pour quelques libraires, le salon (ou la foire) du livre a une importance commerciale évidente. En 10 jours de temps, durée de chacune de ces manifestations, c’est une part significative du chiffre d’affaires de l’année qui sera réalisée dans les différents stands. S’il est toujours difficile d’avoir une idée précise des montants réalisés, on peut toutefois sans mal estimer que, pour bien des éditeurs présents sur place, il se vend bien plus de livres au cours de ces trois salons du livre que le reste de l’année… à travers le réseau de librairies. Sans doute, faudrait-il ici distinguer entre les stands de livres importés et la place de l’édition locale dans chacun des pays, ou encore entre la production arabophone ou francophone. Et d’un salon à l’autre, il existe bien entendu des nuances qui sont aussi le reflet des conditions d’organisation spécifiques du marché du livre.
 
Ainsi, pour Otman Akdim, qui dirige l’entreprise de distribution et de librairie DSM au Maroc et qui a réussi à développer tout au long de l’année une activité commerciale importante, en s’appuyant sur un réseau de points de vente à travers tout le pays, le stand qu’il anime au SIEL, pour le compte du BIEF représente une occasion de mettre en avant cette réussite. « C’est un peu comme la récompense des efforts accomplis tout au long de l’année », déclare-t-il.
En Algérie, où les conditions d’importation du livre français sont très différentes, les stands tenus par les quelques importateurs réalisent des chiffres d’affaires très importants, à fortiori en octobre ou en novembre, en période de rentrée et universitaire. Tunis offre une autre illustration, avec une part plus importante pour les ventes des nouveautés en littérature, comme l’explique Faouzi Daldoul. Mais à Tunis, comme à Alger et à Casablanca, la démonstration est la même : le Salon du livre occupe une place majeure dans l’économie du livre de chacun des pays.
 
Le problème des remises
La durée de la manifestation n’explique pas tout. Il y a aussi les prix pratiqués à cette occasion. Même si, d’une foire à l’autre, les remises sont plus ou moins importantes, elles sont en effet quasi systématiques… et les pratiques de prix très « élastiques », plus encore pour les livres importés. La question est évidemment soulevée régulièrement par les libraires, du moins par tous ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir compter sur un stand pour gonfler leur chiffre d’affaires, le temps d’un salon du livre. Plus grave encore, les remises accordées pendant les foires du livre renforcent la conviction du public que les libraires vendent, le reste du temps, cher, très cher les livres. Préjudice commercial mais aussi « moral », pour ainsi dire, puisque les libraires font alors figure de commerçants « sans foi ni loi ».
Du coup, le SIEL, le SILA comme la Foire du livre de Tunis offrent ce visage paradoxal : à la fois « fête du livre », sans doute, mais pour mieux faire ressortir en creux l’état du marché et de la librairie dans les trois pays, que caractérisent une offre de livres insuffisante et des prix souvent rédhibitoires.
 
L’importance des rencontres professionnelles
Un marché du livre « en dents de scie » (comme en témoignent pour le livre français les statistiques de la Centrale de l’Édition), des libraires et des éditeurs pas toujours solidaires les uns des autres, c’est aussi pour contribuer à changer cette image que les trois manifestations sont devenues au fil du temps l’occasion de rencontres professionnelles.
Généralement à l’instigation des associations professionnelles, souvent en partenariat avec le bureau du livre dans les ambassades de France, les libraires, les éditeurs et les distributeurs se retrouvent désormais chaque année autour de tables rondes, pour suivre des séminaires, des conférences ou participer à des journées professionnelles.
 
En février dernier, le SIEL avait inscrit à son programme une journée de débats entre professionnels, organisée conjointement avec le BIEF. Des débats très suivis, qui ont vu le matin des éditeurs marocains (Bichr Benani pour les éditions Tarek) et des éditeurs français (François Gèze et Sabine Weispieser) échanger autour des enjeux de coéditions ou de cessions de droits ; et, l’après midi, d’autres éditeurs dialoguer avec des libraires autour de l’épineuse question de la distribution. Benoît Yvert, directeur du livre et de la lecture au ministère français de la Culture, et des membres de son équipe s’étaient joints à cette journée de travail.
 
Autre exemple, la dernière Foire du livre de Tunis a été l’occasion d’une table ronde associant des libraires tunisiens, mais également algériens et français, où il fut question de la « menace exercée par les groupes de distribution qui pratiquent des prix dépassant tout entendement », selon les mots de Salma Djabès, responsable de la librairie El Kitab. Au nom de ses confrères algériens, Smaïl Mhand a pour sa part profité de cette table ronde pour témoigner de la situation de la librairie en Algérie et rappeler l’impérieuse nécessité de se regrouper, comme l’ont fait les libraires algérien s au sein de l’ASLIA, sans doute une des associations de libraires parmi les plus actives dans la région.
Molly Fournel, libraire de Marseille et qui représentait à cette occasion l’AILF, a été dans le même sens, en rappelant l’expérience de l’association « Libraires du Sud » ; et en insistant sur le rôle prépondérant de l’AILF, aux côtés du BIEF, pour participer à ce mouvement de professionnalisation des libraires du Maghreb. À Alger, à Tunis comme à Casablanca, les salons du livre sont autant d’occasions de mettre en avant la « librairie professionnelle ». Le prochain SILA, fin octobre, en sera sans doute une nouvelle illustration.   


Pierre Myszkowski

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