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Le Bureau de New York a vingt ans : une petite histoire du livre français aux États-Unis

septembre 2003

France Edition Inc. a réalisé cette année 25 contrats de cessions de droits de titres français contre une quinzaine l’année dernière à la même époque. Une bonne nouvelle pour l’agence qui fête ses vingt ans d’existence.

Nous sommes le lundi après la sortie du nouveau Harry Potter et les éditeurs américains sont en état de choc : cinq millions d’exemplaires vendus en une seule journée, la plus grande sortie d’un titre aux États-Unis.

Peu de choses en revanche pour réconforter la grande majorité des éditeurs qui ne se nomment pas Scholastic, les mauvais résultats du secteur communiqués en avril par The Association of American Publishers (AAP) montrent que les ventes sont en baisse dans neuf des treize catégories répertoriées, jusqu’à –33,7% dans les ventes de livres « hardcover » adultes. Cette baisse est en grande partie imputable à la tension qui a accompagné l’intervention anglo-saxonne en Irak et qui a touché dans une proportion comparable d’autres secteurs culturels, tels les musées, le cinéma, et la musique.

 
La production française, elle, ne se porte pas si mal, puisque France Edition Inc. a réalisé cette année 25 contrats de cessions de droits de titres français contre une quinzaine l’année dernière à la même époque. Une bonne nouvelle pour l’agence qui va fêter ses vingt ans d’existence en septembre prochain. Vingt ans de contrats, d’engagement avec l’édition américaine, et de rôle de passeur entre de nombreux auteurs français et leurs lecteurs américains. Si l’on parcourt les livres sur les étagères qui font le tour du Bureau, on ne peut qu’être frappé par la variété de leurs sujets, mais aussi par la destination de certains de leurs auteurs, jusqu’au fin fond du pays !

 
La tendance la plus remarquable est sûrement la diversification des catégories de titres vendus

Durant les quinze premières années du Bureau, les éditeurs américains étaient plutôt preneurs des grands noms de la littérature, de la critique littéraire, de la philosophie, de l’histoire, de la sociologie. En témoignent les traductions des principales œuvres d’Althusser, de Bataille, Baudrillard, Breton, Char, Deleuze, Duras, Ernaux, Furet, Glissant, Klossowski, Kristeva, Leiris, Le Roy Ladurie, Lévinas, Michaux, Nora, Perec, Queneau, Ricœur, Sagan, Serres, Sollers, Todorov, et bien d’autres.
Un passage s’est également opéré vers la fiction d’Emmanuel Carrère, Patrick Chamoiseau, François Cheng, Assia Djebar, Anna Gavalda, Camille Laurens, Amélie Nothomb et Jean-Christophe Rufin, parmi d’autres grands noms des dix dernières années.

 
Actuellement, la condition de la renommée de l’auteur semble s’estomper. Un éditeur américain peut faire tenter sa chance à un auteur peu connu dans son propre pays. Tel a été le cas l’année dernière en fiction par exemple pour Laurent Graf ou Thomas Gunzig. C’est la force du sujet qui prime désormais : sont retenus de courts textes de grande originalité, ou fruits d’une recherche de haut niveau, et aussi les ouvrages qui affichent leur parti pris dans l’opposition à l’actuelle majorité aux États-Unis, de nouveaux écrivains de fiction, remarquables par l’originalité de leur style, leur goût de la provocation ou leur humour.

 
Une autre tendance importante est que l’agence a souvent été le portail pour des auteurs français d’outre-mer, ou descendants d’immigrés, exilés, étrangers vivant en France, ou simplement pour des projets initiés en France, mais écrits en d’autres langues – même l’anglais. De A à B, par exemple on retrouve aux côtés de Laure Adler, Louis Althusser, Pierre Assouline et Jacques Attali, les auteurs Aung San Suu Kyi, Ahmad al-Tifashi et Samir Amin. Et aux côtés de Badinter, Baudrillard et Bataille, on retrouve Balinská et Berberova. En effet le français joue parfois le rôle de passeport pour les auteurs d’autres pays. Plus d’une fois j’ai entendu un éditeur d’ici dire d’un livre en allemand, en russe, en coréen, ou en langue arabe, qu’il attendrait l’édition française pour pouvoir le lire. En 2002, on compte sept auteurs d’origine étrangère à la France dont les droits de traduction ont été cédés à partir de notre catalogue, qui ont pu être lus grâce à l’existence en langue française du texte. Cette année, nous voyons cet intérêt se confirmer, avec la vente de titres de Vladimir Bartòl, Anouar Benmalek et Gheorgi Gospodinov.

 
D’autres genres aussi se font jour en traduction, comme des témoignages, de la micro-histoire, des ouvrages de gastronomie (nous venons tout juste de céder les droits de Casseroles et Éprouvettes de Hervé This), la spiritualité, et même les arts pratiques…

 
« Qui aurait pensé que ?… » est souvent la réaction de nos visiteurs en regardant les livres sur les étagères, et pour nous-mêmes aujourd’hui, ils sont un rappel qu’on ne peut prendre de décision trop hâtive quant à leur sélection…

 

France Édition Inc.
853 Broadway
New York, N. Y. 10003-4703
www.frenchpubagency.com


Lucinda Karter

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