La Lettre imaginaire que le jeune Lord Chandos adresse à l'aîné
qu'il admire, Sir Francis Bacon, le 22 août 1603, pour s'excuser de
ne plus pouvoir remédier au silence qui l'a saisi, est un petit chef-d'oeuvre
parmi les plus fascinants de la littérature occidentale du
XXe siècle... Il est aussi des plus glosés.
L'auteur signale ce nouveau péril en l'Université : l'inflation
alarmante des commentaires et la tendance postmoderne à les
surimposer au texte sans même toujours les vérifier.
Scrutant l'écrit et son contexte avec rigueur et empathie, il
révèle que la petite «lettre imaginaire à C.B.» esquissée par
Hofmannsthal en 1927 est en fait une réflexion sur sa Lettre,
adressée à vingt-cinq ans de distance, à Chandos et à Bacon. Il
établit pour la première fois que le contenu spirituel de la Lettre
de Lord Chandos, qui structure la fiction, est directement inspiré
de la VIe Ennéade de Plotin. Puis il montre que les trois éléments
identifiant toute missive - son signataire, son destinataire et sa
date - ont été soigneusement codés par l'écrivain, en référence
aux codages dans lesquels Sir Francis Bacon était passé maître...
D'observation en découverte, il décèle le coeur battant de
l'ouvrage, l'apparentement avec Hamlet et l'adresse secrète à
Shakespeare. En son tréfonds, Une lettre a bien aussi un enjeu
intime : elle devient une prière propriatoire, alors qu'à vingt-huit
ans, le poète prodige - que public et critique voudraient figer
dans cette pose - se décide à faire le saut extrêmement risqué de
la poésie au théâtre.