La poésie suscite toujours deux réactions contradictoires
: alors que d'un côté on dénonce volontiers
son hermétisme et son élitisme, de l'autre, on révère
ses pouvoirs émotionnels et on la croit même parente
de quelque vérité. Ambiguïté qui traverse nos relations
avec tout le domaine de la création contemporaine,
partagé entre les postulations divergentes de
la consommation et de la contemplation, de la culture
et du culturel.
Par son inquiétante étrangeté, son poids de non-sens,
son odeur animale, son pouvoir de défiguration,
le poème prend acte du bruissement du monde, le
travaille et le recycle en un silence particulier. Pour
être prêt à une telle écoute, qui requiert notre désir
face à la langue, il ne suffit pas de se demander
comment comprendre la poésie. Les problèmes de
méthode et de compétence, les théories liées au
déchiffrement viennent après cette autre question,
qu'on pose rarement, mais dont pourtant tout
dépend : faut-il comprendre la poésie ?