J'ai choisi de présenter un Sartre
incarné, peu connu, loin de l'icône
charriée par la postérité. En cela, je
pense avoir répondu au désir, qui était
le sien, d'être un jour mis à nu.
Je me suis attaché, avant tout, à restituer
sa parole ; il a tant de choses à
nous apprendre : ses mots sont là,
aussi, pour nous surprendre.
Nul doute que, de son vivant, aucun homme n'a suscité
autant de passions, de haines, de révoltes, n'a reçu un tel
cortège d'insultes, de menaces et d'opprobre. Sartre a
traversé le XXe siècle sans laisser quiconque indifférent sur
son passage. Il reste la dernière conscience universelle de
notre monde contemporain.
Sartre est entré en littérature comme d'autres en religion. Ses
livres sont autant de bibles dont les versets le renvoyaient à
une impossible vérité. Elle l'effleurait à chaque instant. Il n'eut
de cesse de l'éviter, jusque dans le regard de l'autre.
Il s'était construit un imaginaire à l'aide de mots dont il jouait
avec la dextérité d'un maître d'armes. Mal installé dans son
corps, il savait, mieux que quiconque, combien le réel n'est
jamais beau.
La bibliothèque de son enfance était un temple : elle est,
aujourd'hui, son mausolée.
Au travers du destin exceptionnel, d'un homme extraordinaire,
c'est aussi de notre destinée dont il est question.