«Il semble que nous ne fassions que languir dans l'âge mûr pour dire les
rêves de notre enfance, et ils s'évanouissent de notre mémoire avant
que nous ayons pu apprendre leur langage.»
Henri David Thoreau, Journal
Ces notes ont commencé d'être écrites dans une cabane lors d'un séjour
dans le Vermont. Elles ont été poursuivies, ensuite, durant plusieurs
années et à diverses occasions. Au fil des réflexions développées ici, la
cabane est apparue comme un opérateur intellectuel permettant de
penser des expériences que chacun a pu faire ou imaginer dans l'enfance
comme dans l'âge adulte et qui concernent peut-être d'avantage un espace
psychique qu'un espace proprement physique. Les cabanes, contrairement
à ce que pourrait laisser croire l'étymologie, ne sont pas de «petites
maisons» : elles sont sans solutions de continuité avec les architectures
dont elles sont supposées être l'origine. Fragiles et singulières, elles sont
construites sans plan préconçu. Elles abritent des individus qui ne s'y
installent pas, n'y habitent jamais véritablement. Aux marges des villes et
des sociétés, elles recomposent une certaine idée de la nature à laquelle
nous désirons nous confronter tout en la craignant. Cette ambivalence
fondamentale fait de la cabane un lieu de contradictions où coexistent le
haut et le bas, l'ouvert et le fermé, le mobile et l'immobile, le jeu et le
sérieux, la vie et la mort.