Inflammables, comme les films de l'époque, ces années soixante qui
virent Gérard Guégan passer de Contre-Champ à Champ Libre, d'une revue de
cinéma communiste, surréaliste et marseillaise à une maison d'édition ultra gauchiste
et parisienne.
Trente ans après son premier roman (La Rage au coeur, 1974), Guégan nous fait
tout un cinéma : dans ce livre de souvenirs et de rencontres, François Truffaut passe
un savon à son ami Lebovici, coupable d'avoir produit La Société du spectacle,
tandis que Sterling Hayden remâche son passé maccarthyste à bord d'une péniche
amarrée devant le Louvre. Burroughs, traqué par le FBI, découvre Le Parrain à
Londres où il s'est réfugié. Roger Leenhardt plaide pour la transformation de la lutte
des classes en comédie sentimentale alors que Godard, bien avant l'émeute de Mai,
tente de dénaturer l'information télévisée. Orson Welles déclare ne connaître que
deux directeurs d'acteurs "réellement compétents, Hitler pour les plans larges, et
Himmler pour les scènes plus intimes" tandis que Sam Peckinpah part en chasse
d'une nymphette dans les rues de Paris.
Par-delà la colère, l'émotion, la démesure et bien souvent la cocasserie des
situations, s'ébauche, tout à la fois pudique et échevelé, le portrait d'un franc-tireur :
jamais Guégan n'a abdiqué ses premiers engagements en faveur du rêve, des désirs, des
utopies que charrient les livres et les films qu'il aime. La preuve ? Ce livre flamboyant,
formidable viatique contre le désenchantement.