Parmi les images de violence, de ruine et de mort
dont le photojournalisme est l'inlassable pourvoyeur,
certaines sont belles. Quelques-unes semblent
trop belles : on leur reproche d'utiliser la
misère du monde au bénéfice de l'art, de tirer parti
de la souffrance, de miser sur l'effet esthétique
du malheur et sur la beauté du désastre. Les
reporters, de leur côté, se disculpent en assurant
qu'ils n'ont pas cherché à faire de l'art, qu'ils ont
simplement voulu témoigner de ce qu'ils ont vu.
Dans cette justification, comme dans cette critique,
il se peut que les uns et les autres n'aient pas de
l'art une idée très juste.
Cet essai ravive des questions esthétiques qu'on
pourrait croire éteintes, l'abstraction les ayant
exténuées. Il les aborde en se référant à des aspects
paradoxaux de l'art contemporain aussi bien qu'à
des oeuvres anciennes, au théâtre autant qu'au
cinéma documentaire. Il choisit d'affronter des cas
aigus, notamment celui de certaines photographies
troublantes et controversées, qu'on trouve dérangeantes
parce que leur beauté, sans doute, paraît
elle-même déplacée.